MaaS : bien plus que des enjeux techniques

Le MaaS (Mobility As A Service) est une très belle promesse, surtout avec la multiplication des modes de transports que nous vivons aujourd’hui, et très franchement, c’est tout à fait compréhensible. Parce que disposer d’une appli qui permette de calculer son itinéraire sur tous les modes, de payer sa « consommation de mobilité » et d’être débité le plus simplement du monde, c’est tout de même très séduisant. Pourtant, le MaaS, c’est un peu comme aller draguer quelqu’un qui nous plait dans le métro… tout le monde en rêve, mais pas grand monde ne le fait vraiment. Pourquoi ? Peut être parce qu’en réalité, produire un tel outil nécessite d’être, comme on le dit dans le sud-ouest « solide sur les appuis », à savoir monter rapidement en compétences et prendre des décisions pour le long terme… Sommes-nous réellement prêts ?

Des choix politiques pour le long terme 

Qui va piloter le MaaS ? Les autorités organisatrices de transports ? Les Gafam ? Des startups ? Les opérateurs de transport ? Un peu tout le monde ? C’est une des questions fondamentales qui se pose aujourd’hui et freine vraisemblablement un peu tout le monde. 

Premier scénario : les privés (Gafam et/ou autres) proposent leur propre MaaS. C’est le modèle de la plateformisation libre, qui peut se développer très rapidement une fois les données et la billetterie ouvertes. Les privés s’occupent de commercialiser les offres et de trouver leur modèle économique. S’ils veulent faire simple, ils mettent en avant une solution « pay-as-you-go ». S’ils veulent pousser le concept, ils proposent des forfaits. C’est finalement un peu ce qui se passe aujourd’hui à Helsinki avec Whim. C’est peut être ce qui se passera demain avec Google, qui pourrait pénétrer le marché, ayant déjà une longueur d’avance sur l’information voyageurs.

Second scénario : la puissance publique prend la main. C’est donc une autorité organisatrice de transports qui intègre et porte le MaaS (déjà il s’agit de savoir laquelle : Région ou AoM ?) C’est là que le projet prend une tournure politique, parce que l’intérêt pour la puissance publique de piloter son propre dispositif est au moins double : 

  • gérer sa propre logique de report/préférence modal(e), selon des critères environnementaux, de santé publique, de confort… On pourrait imaginer plein de dispositifs intéressants : grâce à la remontée des données d’utilisation du vélo, pouvoir augmenter la subvention publique lorsque c’est le mode le plus utilisé. Grâce aux données du péage urbain, faire varier la subvention lorsque la voiture est très sollicitée. Pousser à une utilisation des transports collectifs hors périodes de pointe… Pour cela, la collectivité pourrait s’appuyer sur l’algorithme de son calculateur d’itinéraires, qui mettrait en avant un mode plutôt qu’un autre, ou de sa politique tarifaire, qui en subventionnerait plus ou moins l’un ou l’autre,
  • gérer sa politique sociale, par exemple selon des critères de revenus. Elle pourrait par exemple, relier directement le MaaS au compte Impot.gouv.fr de l’utilisateur, pour adapter son taux de subvention publique, 

Une chose est sûre : si la puissance publique veut pousser ce scénario, elle devra être en mesure « d’aligner » des solutions puissantes pour faire face aux Gafam et à leur pouvoir de séduction, 

Troisième scénario : un subtil mélange des deux premiers. Considérant que la première solution peut séduire des utilisateurs peu fréquents (qu’ils soient locaux, visiteurs ou encore touristes). La seconde serait préférée par les gros consommateurs de solutions de mobilité locale, souhaitant un accès à un outil personnalisé et pointu. 

Des compétences à mobiliser dès à présent 

Peu importe le scénario choisi, le MaaS nécessite d’abord une maîtrise des systèmes dématérialisés pour l’information voyageurs et les titres de transport. Si sur le premier sujet, on observe de grands progrès, il n’est pas certain que ce soit le cas sur le second. 

Le MaaS nécessite aussi une ouverture massive. Des données d’une part, afin de produire des calculateurs d’itinéraires multimodaux performants. De la billetterie d’autre part, afin de pouvoir commercialiser et vendre les titres de transports directement depuis les applications (prévu dans la LOM ?). Cette ouverture aura un avantage indéniable : elle obligera tous les producteurs d’offres de mobilité à adopter des normes et/ou des standards et donc inévitablement à améliorer la qualité et l’interropérabilité de leurs dispositifs. 

Cette étape sera essentielle mais insuffisante. Un des grands enjeux sera également de pouvoir analyser les données d’usages générées par les outils de MaaS. Non seulement pour améliorer les applications, mais aussi et surtout pour faire évoluer les offres et leur tarification, avec un réel impact pour les utilisateurs. 

C’est finalement plus compliqué qu’on ne pouvait le penser ce fameux MaaS !  Pas vraiment techniquement, mais plutôt en termes de stratégie. Et encore, je n’aborde pas les nombreuses autres questions qui se posent : modèle économique, expérience utilisateur, open source et plateformisation, ou encore approche territoriale. Finalement, ce sont sensiblement les mêmes questions que l’on se pose déjà pour l’information voyageurs, qu’il faut désormais aussi se poser pour la distribution ! 

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