Oonee, le stationnement vélo “from Brooklyn”

Discuter avec Shabazz Stuart, ça a un côté très dépaysant. Parce que lorsqu’il parle de Brooklyn, de Manhattan, ou encore de Jersey City, on ressent tout de suite la culture US. Une culture qui fait partie intégrante de l’ADN de la boîte qu’il a co-fondée il y a maintenant un peu plus de six ans à New York et qu’il a baptisé Oonee. Son crédo : créer un réseau de parkings sécurisés pour les new yorkais qui utilisent leur vélo au quotidien. Un acteur parmi d’autres me direz-vous ? Surement, mais il y a dans l’ADN de cette boîte de nombreux ingrédients qui m’ont particulièrement séduit. 

Tout débute à Brooklyn (NYC)

Shabazz Stuart est comme il le dit “un enfant de Brooklyn”. Ce quartier où vivent 2,5 millions d’habitants se parcourt relativement bien en vélo (d’autant plus électrique) : seuls 15 petits km séparent le nord du sud et l’ouest de l’est. Mais malgré cela, Shabazz Stuart s’est trop régulièrement retrouvé confronté à un double problème : l’impossibilité de stationner son vélo chez lui, et l’insécurité des solutions proposées en voirie.

Source : Oonee

Visiblement, il n’était pas le seul. Ayant roulé sa bosse dans plusieurs structures locales, dont le Downtown Brooklyn Partnership, il s’est bien rendu compte que cette problématique concernait de nombreux autres habitants. C’est alors qu’a jaillit l’idée de déployer des stationnements sécurisés pour les vélos. Nous sommes en 2018, Oonee vient de naître. 

Une réponse “à l’américaine” 

New York, et les Etats Unis de manière générale, n’ont pas franchi le pas du vélo de manière aussi massive que pas mal de villes européennes. Les solutions de stationnement sécurisé pour vélos ne sont finalement pas si nombreuses, ou quand elles existent, elles sont plus que datées. Sa vision du marché, Shabazz Stuart l’a rapidement clarifiée : “il souhaitait opérer un réseau de parkings sécurisés”. Décortiquons cette phrase. Lorsqu’il évoque le fait d’opérer, cela signifie qu’il ne se voyait pas comme un constructeur d’équipements. Oonee a donc fait le choix d’intervenir sur le design (c’est primordial) mais de confier la construction des équipements à des spécialistes (pour l’anecdote, Altinnova fournit un des modèles distribué par Oonee).

Opérer, cela signifie également que Oonee gère le quotidien des équipements, tout le quotidien. Quant à la notion de réseau, le cofondateur compare les stationnements sécurisés des vélos à des arrêts de bus “vous avez des lignes de bus, et donc des arrêts, c’est pareil pour le vélo : des pistes cyclables, et des pod tout du long”. Surtout, sa vision, c’est de pouvoir déployer rapidement, et de pouvoir répondre à chaque besoin de manière très fine. 

Hardware As A Service 

Pour répondre à chaque besoin, tout en gardant en tête cette idée “operation + network”, Oonee pousse le modèle encore plus loin. D’un côté, la société distribue plusieurs modèles, qui répondent à tous les besoins. De l’arceau connecté de BiKeep (très connu outre atlantique) au Hub de grande capacité, en passant par les Pod et Mini.

Pour chacun des modules, de nombreuses options de personnalisation sont possibles. Le CEO indique “nous pouvons faire à peu près tout, selon les demandes”. Les visuels sont parlants.

Finalement, c’est une logique de plateformisation proche de celle que l’on a vu éclore dans d’autres segments de la mobilité : Flixbus côté autocar, Uber côté VTC. D’ailleurs, le CEO n’hésite pas à le dire “nous sommes en quelque sorte un Uber du parking vélo”. 

D’un autre côté, l’entreprise explique n’avoir aucun intérêt à vendre des équipements. Elle a plutôt la volonté de les exploiter sur le long terme. Parce que le modèle économique actuel est basé sur la publicité (un revival de JC Decaux ?).

Le “payback” est plutôt court dans certains quartiers, à l’image de Manhattan, ce qui permet de financer d’autres parkings dans des quartiers moins fréquentés, le tout sans subvention publique. Mais dans tous les cas, son job c’est de proposer “un système utilisé, propre, attractif, et une grande satisfaction client’. Et si demain, certaines municipalités souhaitaient s’engager dans un partenariat similaire à ce que nous observons en Europe ? la réponse pourrait être une sorte de “hardware as a service” selon Shabazz Stuart. 

Un acteur engagé 

De toute manière, l’homme connaît très bien l’écosystème local. Il fait partie du Board de StreetsPac, association engagée en faveur de la sécurité, de la mobilité et de l’accessibilité des rues new-yorkaises. ll est également conseiller de Transportation Alternatives, une association qui tente de libérer New York des voitures, et qui fait la promotion du vélo et des transports publics. Avant de créer Oonee, il était également un des dirigeants de Downtown Brooklyn Partnership, une société de développement local à but non lucratif qui se fait le principal défenseur du Downtown Brooklyn en tant que destination commerciale, culturelle, éducative et résidentielle. Il sait très bien comment fonctionne le système politique. 

Le co-fondateur d’Oonee est un grand défenseur des minorités et un amoureux sincère de son quartier. D’ailleurs il le photographie beaucoup (son Instagram est une petite pépite). 

Il annonçait il y a quelques mois être “une des premières entreprises détenues par des Black & Brown à avoir levé plus d’un million de dollars grâce au crowd-investing”. Il ajoutait que “bien que les règles strictes de la SEC empêchent souvent les classes populaires et les personnes à faible revenu d’investir, les plateformes de micro investissement sont un moyen de s’assurer que les communautés qui dépendent le plus d’Oonee peuvent être directement investies dans notre croissance et dans l’entreprise”. 

Oonee a également signé un partenariat avec LDU (Los Deliveristas Unidos). Comme l’indique l’entreprise : “cette association a été à l’avant-garde dans la compréhension des besoins des livreurs et dans la lutte pour des protections progressives pour ces travailleurs essentiels”. Oonee travaille ainsi pour offrir de meilleures options de recharge et de stationnement aux dizaines de milliers de cyclo-logisticiens qui travaillent dans les cinq arrondissements de NYC visés par le partenariat.

La sincérité et la défense des acteurs locaux ne font pas un business me direz vous… Alors, est-ce que les pods d’Oonee vont pousser comme des champignons à New York, ou dans d’autres villes ? Je ne suis ni spécialiste des business model ni devin. Est-ce que ce type d’équipements pourraient trouver un public en Europe ? Probablement pas. Le modèle d’Oonee basé sur la publicité a du sens mais il est adapté au modèle américain, et encore plus à celui de l’hypercentre de NYC. Comme le dit à juste titre Shabazz Stuart, “aux Etats-Unis, le stationnement sécurisé est un nice to have, que l’on peut traiter via l’advertising. En Europe, c’est un need to have, basé sur d’autres modèles d’exploitation”. Ce qui est sûr c’est que chaque mois, de nouveaux pods sont déployés, que de nouvelles villes sont dans le viseur de l’entreprise (ex : Philadelphie) et que cette dernière se lance désormais dans le projet OoneePower, en suivant exactement la même philosophie que pour OoneePod, mais cette fois ci adaptée à la recharge des batteries de vélos. Mais ça, je vous en parlerai plus tard cet été. 

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