Pays Bas : Les néerlandais ont créé la Tesla du bus !

Est-ce que l’autobus peut faire partie des “nouvelles mobilités”, thématique centrale dans mes activités de consultant ? C’est une question que je me suis posée lorsque j’ai été contacté par les dirigeants de la société Ebusco, un constructeur de bus hollandais. Plus habitué à une selle de vélo qu’à un siège d’autobus, je partais avec un à priori plutôt négatif. Alors rapidement, j’ai souhaité visiter l’usine, rencontrer les différents ingénieurs mais surtout, aller voir tourner des bus “en exploitation”. Ce que j’ai découvert et la dynamique que j’ai perçue sur place m’a étonné. Dans le sens positif du terme. Tout simplement parce que j’ai senti chez ce constructeur quelque chose de … différent.

Ebusco, vous ne connaissiez pas? 

Il faut être honnête, moi non plus je ne connaissais pas Ebusco. Et pourtant. L’entreprise hollandaise a été créée en 2012, avec une idée simple à la base : être le premier pure player du bus 100% électrique. Et en presque 10 ans, j’ai découvert qu’il s’en était passé des choses. Le constructeur est désormais présent dans plusieurs réseaux européens, des réseaux particulièrement à la pointe en termes de décarbonation : De Lijn en Belgique, SWM & MVG à Munich, Transdev Rhein-Main GmbH à Francfort, Norgesbuss en Norvège. Une présence importante en Europe du Nord donc, mais particulièrement aux Pays Bas, ou les Ebusco sont exploités à Dordrecht, Utrecht, Groningen, Amsterdam et Haarlem… Au total, ce sont plus de 300 bus qui circulent dans 7 pays. Première surprise ! Il faut dire que la plupart de ces pays ont des objectifs de décarbonation ambitieux : certains visent le 100% de flottes de bus à zéro émission en 2025.

Au total, ce sont plus de 300 bus qui circulent dans 7 pays.

Pour répondre à ces enjeux ambitieux, l’entreprise hollandaise développe elle même ses principales innovations matérielles et logicielles, en interne, grâce à une équipe d’ingénieurs, de développeurs produit et de spécialistes R&D très costauds… et c’est notable lorsque l’on visite l’usine : les bureaux sont tout aussi impressionnants que les ateliers !

Du côté du top management, il est intéressant de voir que le CEO, Peter Bijvelds, un ancien pilote de rallye tout aussi sympa que visionnaire, a su s’entourer de nombreux profils issus… de l’aérospatiale et de l’automobile (vous aussi ca vous fait penser à une autre histoire de l’autre côté du pacifique ?). Bob Fleuren, le COO/Head of Programs, celui qui a notamment imaginé le Ebusco 3.0 (nous en parlerons plus tard) possède 20 ans d’expérience dans l’industrie aéronautique. Le CTO, Tjaard Sijpkes, vient du monde de l’aérospatiale. Will Bierens, le Chief of Performance, vient quant à lui du transport public, puisqu’il a travaillé 30 ans chez des opérateurs privés tels que Transdev aux Pays Bas. 

Et la sauce semble prendre puisque la boîte désormais basée à Deurne (au beau milieu du Brabant-Septentrional) doit faire de la place sur ses étagères pour stocker les prix. Le dernier, au sujet des matériaux composites utilisés pour le modèle 3.0 (nous y reviendrons) arrive après plusieurs médailles distribuées lors des BusWorld 2013, 2015 et 2019. Du côté des ventes, 2020 se termine avec 200 livraisons d’e-bus malgré l’impact évidemment négatif de la crise sanitaire pour les réseaux de bus partout dans le monde. 

Vraiment différent ?

Mais au-delà d’un joli staff (180 personnes uniquement pour l’usine), qu’est ce qui fait la différence entre les bus d’Ebusco et ceux des constructeurs allemands, ou encore français ? 

C’est en règle générale le même son de cloche qui provient des constructeurs concernant l’électrification. D’une part, il faut pouvoir intégrer plus de batteries, pour plus d’autonomie. D’autre part, il faut équiper les véhicules de pantographes afin de pouvoir “biberonner” en station (souvent en terminus). Du coté d’Ebusco, la philosophie est différente, et elle est parfaitement assumée. Côté recharge, l’entreprise hollandaise est plutôt favorable à réaliser celle-ci au dépôt (donc plutôt en charge longue), et via son propre système de borne (en évitant le biberonnage). Pourquoi ces choix ? D’un côté, la recharge au dépôt est plus rentable, moins “destructrice” et exige moins de modifications importantes des infrastructures. Une bonne planification permet d’optimiser grandement le processus. De l’autre, en développant sa propre borne de recharge, Ebusco offre la possibilité d’installer un dispositif très compact, facilement paramétrable, et permettant de charger plusieurs véhicules simultanément. Concrètement, il est par exemple possible de recharger un bus assez rapidement en journée tandis qu’il est possible de recharger deux bus pendant la nuit. Au final, l’installation d’un pantographe sur les bus est optionnelle chez Ebusco !

Côté recharge, l’entreprise hollandaise est plutôt favorable à réaliser celle-ci au dépôt !

Côté batterie, la boîte hollandaise a deux obsessions : le rapport énergie-poids (pour garantir le meilleur confort à bord et la meilleure autonomie) et la durée de vie (afin de réduire l’impact environnemental). Tous les ingénieurs rencontrés nous l’ont confirmé, les batteries LFP (à l’inverse de la plupart des fabricants occidentaux qui travaillent avec des NMC) ont été choisies parce que les plus sûres, et les plus performantes en termes de densité énergétique. Ces certitudes poussent d’ailleurs le constructeur à les garantir 10 ans. 

Au-delà de l’électrification, comment ne pas parler des outils numériques utilisés par les hollandais pour suivre leur flotte. Dans ce domaine, il est évident que le partenariat signé avec ViriCiti (un leader mondial de la télématique) et qui officialise une relation démarrée il y a déjà 7 ans, n’y est pas pour rien. Le système de surveillance en temps réel Ebusco Live est assez bluffant. Que ce soit depuis le siège ou chez chaque opérateur, il est possible de suivre en temps réel un nombre impressionnant d’indicateurs : géolocalisation des véhicules, état de charge par flotte, par véhicule, par réseau, consommation d’électricité, vitesse, charge restante, tension, température des batteries, voltage, portée restante de la charge etc… C’est un système de monitoring totalement “data driven”, qui permet de gérer l’exploitation en temps réel, mais aussi de planifier cette dernière afin d’optimiser le système de charge. 

Le système de surveillance en temps réel Ebusco Live est assez bluffant

Enfin, en proposant un “full package”, avec à la fois les véhicules, le système de charge, la gestion de flotte, et les dépôts, Ebusco a l’obsession de la maîtrise des coûts. Le constructeur propose d’ailleurs un contrat global, comprenant le financement des véhicules. La recherche du meilleur coût passe également par l’optimisation du réseau, et le constructeur accompagne les opérateurs dans la réorganisation de leurs lignes et exploitation. Parce que bien souvent, la conversion à l’électrique d’un réseau thermique doit être accompagnée d’une mise à plat de l’offre.

Des différences majeures avec une grande partie des autres constructeurs, qui ont permis à la jeune société de “tester sa différence” sur son modèle actuel, l’Ebusco 2.2, exploité par des réseaux très structurants, à l’image de Haarlem, ou encore d’Amsterdam. Un positionnement qui est d’autant plus assumé avec l’arrivée du nouveau modèle, le 3.0

Et là, arrive le vrai “game changer” 

Le suivi en temps réel des véhicules, la planification, l’optimisation des batteries, les différentes typologies de recharges… ces réflexions sont particulièrement essentielles parce qu’aujourd’hui, même le modèle 2.2 a en règle générale une autonomie réelle sur le terrain qui oscille aux alentours des 300 km. C’est déjà une performance, mais ça oblige encore certains exploitants, en fonction de leur configuration de réseau, à recharger avant la fin du service. C’est pour cette raison que les néerlandais ont souhaité aller plus loin avec le modèle 3.0. Et le changement de version du 2.2 au 3.0 c’est un peu comme passer de Windows 98 à XP (les quarantenaires me comprendront), c’est un ensemble de révolutions. 

Une révolution en termes de production. Jusqu’à présent, tous les composants provenaient d’Europe, une partie de l’assemblage était réalisée en Chine, et Deurne se concentrait sur le développement et l’assemblage. Désormais, l’Ebusco 3.0 sera entièrement construit aux Pays-Bas. La surface de l’usine de Deurne a été plus que doublée pour atteindre 15000 mètres carrés et un objectif de production de 3,5 bus par jour. 

Une révolution en termes d’autonomie. L’Ebusco 3.0 est fabriqué en matériaux composites ! Vous comprenez mieux le rôle du staff issu de l’aéronautique et de l’aérospatial ? Cette innovation (qui a déjà remporté un prix international) permettra de réduire le poids du bus de trois tonnes, soit près d’un tiers de moins sur la balance in fine ! Cet allégement contribue évidemment à augmenter l’autonomie avec la même capacité de batterie. Au final, entre la technologie de batteries LFP et la carrosserie en composite, c’est une autonomie de plus de 550 km qui est affichée par le constructeur. Si vous avez lu l’intégralité de l’article, vous comprendrez ce que cela signifie : plus de problématique de charge intermédiaire et tous les enjeux liés à cette dernière. 

Le composite permet de réduire le poids du bus de trois tonnes, soit près d’un tiers de moins sur la balance in fine ! Au final,  c’est une autonomie de plus de 550 km annoncée. 

Des révolutions qui rendent Peter, le CEO, plutôt confiant : “l’Ebusco 3.0 a plusieurs avantages compétitifs. Il est plus léger de 5 tonnes qu’un Man ou Mercedes équivalent et propose donc un avantage certain en termes d’autonomie. Côté longévité, les innovations en termes de batterie et d’utilisation du composite (qui ne se corrode pas) laissent entrevoir des durées d’exploitation plus longues. Enfin, l’objectif à l’avenir est de le vendre la version 3.0 au même prix que la 2.2″, un tarif qui était déjà très compétitif sur le marché de l’e-bus. 

Alors évidemment, personne n’est devin, d’autant plus avec le contexte actuel. Néanmoins, une chose est à peu près sure : l’Ebusco 3.0 pourrait chahuter le monde du bus, qui je crois en a bien besoin. Certains ne s’y sont pas trompés, puisque Transdev Pays-Bas a déjà officialisé la commande de 39 bus en version 3.0, et ça n’est sûrement qu’un début. Ouvrez les yeux dans les villes françaises, vous pourriez bien en voir bientôt débarquer !

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