Pays-Bas : vélo+train, un modèle pour le monde entier

Depuis plusieurs années, et d’autant plus sous l’effet de la pandémie, partout dans le monde, le vélo fait un grand retour parmi les modes de déplacements préférés des citoyens. Partout on vante ses mérites. Partout, la puissance publique tente d’accompagner voire d’accélérer la dynamique, en déployant services et infrastructures cyclables. Mais malgré toute la bonne volonté des acteurs du vélo, il y a encore un angle mort dans cette incroyable dynamique : l’intermodalité vélo+train. Et pourtant… traiter intelligemment l’association entre ces deux modes de déplacement aurait des vertus très puissantes. Pour que le monde du ferroviaire et celui du vélo se rencontrent, il y a vraisemblablement de nombreuses étapes à franchir, une stratégie à définir, une méthode à choisir, des acteurs à impliquer. Évidemment, cela est complexe et nécessitera du temps et des moyens. 

Afin d’accompagner les décideurs, mais aussi de sensibiliser le plus grand nombre, nous avons choisi de nous rendre dans le pays le plus en avance du monde sur le sujet : les Pays-Bas. Afin de comprendre comment fonctionne l’intermodalité entre vélo et train dans le quotidien des néerlandais, nous avons parcouru une partie du pays, en utilisant uniquement ces deux modes de déplacements. Sans être exhaustifs, nous avons traversé plusieurs régions néerlandaises et nous sommes rendus dans une dizaine de gares. Nous avons réalisé une étude approfondie de plusieurs d’entre elles : Amsterdam Amstel, Amsterdam Centraal, Amsterdam Muiderpoort, Delft, Utrecht Centraal. Nous avons également rencontré un certainnombred’expert.e.s : des opérationnels, notamment travaillant chez NS Stations, des chercheurs / ingénieurs, des inventeurs, des auteurs. Toutes ces observations et ces échanges nous ont poussé à découper notre analyse en cinq grand chapitres : 

La stratégie néerlandaise du door-to-door : viser l’excellence ?

Aux Pays Bas, c’est NS Stations qui, en appliquant une stratégie nationale, gère et veille au bon fonctionnement des gares. Nous le verrons tout au long de cette immersion, cet acteur joue un rôle primordial dans l’aménagement de ces dernières, qui facilitent grandement l’utilisation du vélo, que ce soit en termes de stationnement ou de services. Mais il ne faut pas s’y tromper, si le gestionnaire de gares fait autant d’efforts, c’est parce que le vélo est un incroyable booster pour le réseau ferroviaire et joue même un rôle certain dans le modèle économique du secteur. Tous nos interlocuteurs nous l’ont confirmé. 

Les gares, un sujet primordial aux Pays Bas 

La gestion des gares a un impact considérable sur la manière dont peut être poussée une dynamique à l’échelle nationale. Aux Pays Bas, pour comprendre les rouages du “système gare”, il s’agit avant tout de comprendre le rôle de deux acteurs majeurs : ProRail et NS (puis par extension, NS Stations). Le premier est directement lié au Gouvernement et assure planification, travaux, gestion de l’ensemble du réseau ferroviaire. Le second opère une grande partie des services ferroviaires, et via sa structure spécifique NS Stations, assure la gestion au quotidien de toutes les gares du pays. 

“Il y a bien plus à faire dans les gares que vous ne le pensez”

Le slogan de NS Stations ? “Il y a bien plus à faire dans les gares que vous ne le pensez” parle de lui même. C’est la philosophie portée par l’opérateur dans les 400 gares du pays. Comme en France, ces gares sont classées selon leur fréquentation, et surprise, Amsterdam n’est pas la première sur le podium : c’est Utrecht, qui avec ses 272 000 voyages par jour remporte la mise. Elle fait partie des 6 principales gares du pays, dites “Cathedral” qui comptent plus de 75 000 passagers chaque jour.

“Nous voulons maintenant rendre les autres gares plus agréables. Rappelons qu’⅓ des passagers de la NS passent par les petites gares”.

A l’opposé, 347 gares sont classées “Stop” ou ‘basic” et ne comptent pas plus de 10 000 passagers au quotidien. C’est dire l’importance de penser également l’intermodalité dans les “petites gares”. M. Van Boxtel, PDG de la NS de 2015 à 2020 ne dira pas mieux “après les rénovations des grandes gares comme Rotterdam Central, Breda, Arnhem Central et Utrecht Central, nous voulons maintenant rendre les autres gares plus agréables. Rappelons qu’⅓ des passagers de la NS passent par les petites gares”.

NS Stations l’a bien compris et propose une offre de services très riche, partout dans le pays. Concernant spécifiquement le vélo par exemple, à terme, l’objectif est que toutes les catégories de gares possèdent des vélos partagés (62% aujourd’hui) et un parking surveillé (88% aujourd’hui). 

Alors oui, un vaste plan de rénovation et de construction de nouvelles infrastructures est en cours. Dans le futur, NS Stations souhaite continuer dans sa lancée et rénover 200 autres gares sur les environ 400 que comptent les Pays-Bas. La compagnie ferroviaire réserve 65 millions d’euros à ces projets pour les cinq prochaines années. M. Van Boxtel (précédent CEO de NS) était clair sur les objectifs de l’opérateur “Les gares sont dans une large mesure déterminantes pour l’expérience de nos passagers”. 

L’intermodalité, érigée du rang de priorité. 

L’intermodalité, appelée ici “door-to-door” est une vraie priorité pour l’opérateur en charge des gares. Dans son rapport annuel de 2020, NS insiste sur le fait que ce sont les conditions du “door-to-door” qui, en période de pandémie, permettront de regagner des voyageurs et enclencher une dynamique positive. Marjan Rintel, nommée CEO des NS en 2020 l’explique : “notre stratégie consiste à garantir un maximum de confort aux clients tout au long de leur voyage de porte à porte, par exemple en simplifiant les options d’abonnement, en introduisant de nouvelles méthodes de paiement et en facilitant le premier et dernier kilomètre vers et depuis la gare. Nos gares sont des plaques tournantes importantes dans cette stratégie”. 

“Notre stratégie consiste à garantir un maximum de confort aux clients tout au long de leur voyage de porte à porte”

Et aux Pays Bas, lorsque l’on aborde le sujet du “door-to-door”, le premier mode de transport traité par les autorités est le vélo. Logique quand on sait que 45% des passagers du train arrivent en vélo dans leur gare d’origine. Pour faciliter cette intermodalité, l’opérateur déploie 3 principaux outils : le stationnement, l’amélioration de l’accès, et enfin la location de vélos dans les gares. 

Vélo + Train : une dynamique vertueuse pour l’ensemble de la chaîne 

Vu de France, une question nous vient… Est-ce parce que les gares sont très bien organisées pour accueillir les cyclistes que ces derniers sont plus nombreux ? Est-ce parce qu’ils sont nombreux que les gares sont si bien adaptées ?

“Le vélo et le train avancent pour ainsi dire en cordée : ils se soutiennent et se stimulent l’un l’autre”.

De manière plus large, est-ce la performance du réseau qui rend favorable une intermodalité massive avec le vélo ? Dans une récente interview donnée au quotidien Le Devoir, Sjors Van Duren, consultant en mobilité aux Pays Bas indiquait que :  “Le vélo et le train avancent pour ainsi dire en cordée : ils se soutiennent et se stimulent l’un l’autre”. Chris Bruntlett, en charge de la communication de la Dutch Cycle Embassy nous le confirmera. Dans sa ville d’adoption, Delft, la gare en est un exemple vraiment marquant. Nous y reviendrons dans l’épisode n°5 ! 

Coté réseau ferroviaire, il y a une certitude : ce dernier performe de plus en plus. Les fréquences soutenues offertes aux voyageurs sont un atout considérable pour ceux qui veulent voyager en intermodalité, notamment en vélo.

“Il est parfaitement possible d’organiser son trajet quotidien “à la minute près”. 

Et le programme “Every Ten Minutes One Train” montre bien la volonté du Gouvernement sur le sujet. La planification des horaires est aussi un atout considérable pour le voyageur intermodal : il peut tout simplement savoir à l’avance d’où partent et arrivent les trains : voie, quai… Il est donc parfaitement possible d’organiser son trajet quotidien “à la minute près”. 

Côté vélo, Roland Kager, consultant au sein du studio Bereikbaar – dont l’interview est disponible dans l’exploration complète – nous enseignera des constats particulièrements intéressants, parce qu’ils se vérifient quelque soit le territoire étudié : d’une part, le vélo maximise les choix pour l’usager, et multiplie le concept même d’intermodalité. D’autre part, le vélo joue un rôle dans l’optimisation des circulations, notamment intercity. Le vélo aurait donc un rôle à jouer, y compris dans la planification des circulations. Son étude sur le sujet est passionnante. 

In fine, et Rebecca – cheffe de projet chez NS Stations – nous le confirmera dès nos dix premières minutes d’interview : les Pays Bas récoltent depuis plusieurs années les fruits d’une politique de planification et d’amélioration du réseau ferroviaire pensée il y a plusieurs décennies. Et ça se voit. La pratique de l’intermodalité vélo est très installée, elle est juste logique. Elle repose sur trois piliers fondamentaux, poussés par l’opérateur NS Station. Le premier, nous l’évoquerons dans l’épisode n°2, c’est bien le stationnement en gare.


Stationner un vélo en gare : une simple “facilité” ?

La stratégie de NS Stations concernant l’intermodalité vélo + train est claire : “nous souhaitons avant tout favoriser le stationnement en gare plutôt que l’emport dans les trains”. Cela a le mérite de poser clairement les conditions. A l’opérateur de proposer des solutions permettant de rendre effective cette injonction. Alors oui, les vidéos des parkings en ouvrage géants d’Utrecht ou de la Hague font souvent des pics d’audience sur Youtube quand elles sont mises en ligne ! Il est vrai que les volumes sont souvent très impressionnants. Mais derrière l’effet wahou, quelle est la réalité ? Pas de teasing : nous avons été réellement déconcertés par l’ergonomie des infrastructures, la gestion de l’accès, et l’intégration architecturale. 

Des parkings capacitaires, économiques, diversifiés 

Commençons par poser quelques chiffres : le stationnement vélo au droit des gares, à l’échelle nationale, ce sont plus de 500 000 places disponibles. Et l’objectif fixé par ProRail est d’atteindre 650 000 places en 2040. C’est dit. Sur le terrain, on retrouve des parkings surveillés, des parkings libres et non surveillés, et enfin, quelques 10 000 places en casiers (plutôt pour les petites gares). 

“Le stationnement vélo au droit des gares, à l’échelle nationale, ce sont plus de 500 000 places disponibles”.

Nous l’avons clairement constaté, dans les gares les plus récentes que nous avons visité et utilisé, le stationnement en extérieur, non surveillé, est de plus en plus limité, voire totalement supprimé. Question de confort évidemment, mais aussi d’image. A Amsterdam, qui attend encore ses 11 000 places surveillées en souterrain, les milliers de vélos “déposés” devant la gare font un peu désordre. 

Cote modalités d’accès : les premières 24h sont en règle générale gratuites, quel que soit le type de parking. Ensuite, le tarif varie en fonction des lieux et de l’importance des gares. Il y a donc du volume, et un accès gratuit. De vraies incitations. 

Il y a un sujet majeur, sur lequel nous revenons de manière très précise dans l’exploration complète : l’utilisation absolument primordiale de la carte OV Chipkaart pour accéder à l’ensemble des services de stationnement en gare. Cette carte sans contact multimodale est le seul et vrai sésame pour accéder à l’ensemble des services. Seule ou couplée à une CB, elle permet de très nombreuses combinaisons, notamment d’abonnements. 

La recherche constante de la meilleure “ergonomie” 

NS Stations est plutôt bien armé pour calibrer ses offres de stationnement. Son expérience et ses datas (nous y reviendrons dans l’épisode n°4) sont une vraie force. Alors l’opérateur s’efforce d’avancer sur un autre sujet, plus qualitatif : l’ergonomie générale, si bien sûr ce terme est adapté. 

“A l’inverse de ce que l’on pourrait penser, les accès ne sont que très peu automatisés et les agents sur place très nombreux”. 

Cela passe par quatre sujets primordiaux, sur lesquels les équipes de NS travaillent au quotidien : 

  • La gestion du check-in/check-out : à ce jeu là, les enjeux ne sont pas du tout les mêmes pour gérer les entrées (fluidité) et les sorties (contrôle). Parce qu’accéder à un parking est tout de même régulé, 
  • L’emplacement : la phrase connue des agents immobiliers “l’emplacement, l’emplacement, l’emplacement” fonctionne très bien avec les parkings vélos en gare. Nous avons souvent été impressionnés de voir à quel point cela pouvait avoir un impact sur le succès ou l’échec des infrastructures déployées, 
  • L’accès : accéder à sa place de parking est vu par NS comme un parcours, qui intègre une réflexion sur l’éclairage, les racks à étages, les rampes vélo mais aussi piéton, l’indication des disponibilités, la signalétique (sur ce dernier point, nous avons rencontré les équipes de Mijksenaar, nous sommes fans)… 
  • La présence humaine : à l’inverse de ce que l’on pourrait penser, les accès ne sont que très peu automatisés et les agents sur place très nombreux. C’est apprécié par les utilisateurs, et fait désormais partie du “package de base”. 

Est-ce que nous avons visité le plus grand parking vélo du monde, à Utrecht Stationplein ? Oui. Plusieurs fois. Seuls, accompagnés. Nous y revenons dans l’exploration complète : c’est surtout sa conception, en termes d’accès (looproute / fietsroutes) qui nous a impressionné. Idem pour Delft, la gare ou le pourcentage d’intermodaux arrivant en vélo est le plus important du pays… 

Un système victime de son succès ?

Avant le COVID, un certain nombre de parkings de stationnements vélo pourtant construits il y a peu étaient déjà pleins ou semblaient souffrir d’un manque de fluidité à certains moments de la journée. Mauvais calibrage ? La réalité est plus complexe. 

“Avant le COVID, un certain nombre de parkings de stationnements vélo pourtant construits il y a peu étaient déjà pleins”. 

De plus en plus, il s’agit de traiter la grande diversité des types de vélo, notamment ceux “à grand gabarit” qui inondent le marché, même aux Pays Bas. Pas évident dans des lieux optimisés pour “parquer” un maximum de vélos, notamment en hauteur. Des premières solutions sont proposées, mais semblent provisoires. C’est un volet important des réflexions pour les prochains parkings, déjà en construction. Nous évoquons dans l’exploration les cas de Amsterdam Muiderpoort, Amstel, mais aussi Utrecht, concernés par cette question. Elles sont loin d’être des cas isolés. 

Il s’agit aussi bien évidemment de traiter le stationnement et la mise à disposition des vélos en location OV-Fiets : bénéficier d’un stock suffisamment important pour couvrir la demande, tout en évitant de bloquer trop d’espace de stationnement qui pourrait être utilisé par des vélos personnels. Mais les OV-Fiets ont une petite astuce qui permet de répondre facilement à ces enjeux ! Leur créateur nous en parle dans l’épisode n°3.

“Les flux, c’est aussi les vélos ventouses (le phénomène du second vélo !)…”

Il faut enfin optimiser la gestion des flux. Au delà du moment où l’on stationne son vélo, il s’agit de pouvoir entrer et sortir de manière fluide, sans oublier de réaliser son check-in et son check-out. NS Station teste pour cela de nouveaux systèmes plus automatisés. Les flux, c’est aussi les vélos ventouses (le phénomène du second vélo !)… oui vous avez bien lu ! Au-delà d’un certain délai, les vélos deviennent gênants, et un certain nombre de mesures sont mises en place pour remédier à ce problème, qui coûte cher, et handicape tous les utilisateurs. Plusieurs technologies sont testées et déployées par NS Stations, que nous évoquons dans l’épisode n°4 avec le Product Owner de l’entreprise. 

Finalement, que faut-il retenir ? Le stationnement des vélos en gare est un des pivots de la stratégie door-to-door de NS Stations. Premier constat : l’opérateur tente par tous les moyens de favoriser les offres sécurisées, et en ouvrage. Par ailleurs, il porte des projets pensés, qui évoluent sans cesse, pour tenter de répondre aux enjeux posés par les nouveaux usages. Alors si d’un côté la question du volume est stratégique (le foncier au droit des gares est particulièrement cher), l’amélioration du confort d’utilisation est aussi absolument majeure : les utilisateurs se sont habitués à un standard qui, vu de l’extérieur, pourrait être considéré comme un luxe !


OV-Fiets : le vélo le plus intermodal du monde ?

Tout le monde connaît OV-Fiets, du moins aux Pays Bas. Et c’est peut être le premier indicateur qu’il faudrait retenir concernant ce système de vélo en presque-libre-service. Imaginé au début des années 2000 par Ronald Haverman (nous l’avons rencontré durant notre exploration), passé par un statut associatif et désormais géré par NS Stations, le vélo jaune et bleu, malgré son âge avancé, est toujours une star aux Pays Bas. Comment l’expliquer ? Est-il assez solide pour faire face aux nouvelles envies des néerlandais ?

Un système pensé il y a 20 ans

Ronald Haverman faisait partie de Pro Rail il y a plus de 20 ans lorsqu’il a imaginé ce qui est aujourd’hui devenu OV-Fiets. Son idée ? pouvoir faire du “door-to-door” grâce à un vélo disponible en moins d’une minute, et ce dans toutes les gares du pays. Après avoir obtenu le feu vert de son CEO de l’époque, il a ensuite du franchir de nombreuses étapes pour faire du vélo jaune et bleu ce qu’il est aujourd’hui, dont plusieurs très marquantes : la présentation de son projet à la Chambre Basse en 2000… sans aucun doute. L’année 2006, lorsque le système a dépassé les 100 emplacements dans tout le pays. Ou bien à coup sûr, l’année 2008, lorsque le dispositif est passé sous contrôle des NS Stations. Comme quoi, ça n’est pas si facile de lancer un projet, quand bien même ce dernier peut être considéré comme “basique”. 

Mais revenons au fond… Pour concevoir son dispositif, Ronald a notamment fait appel à l’incroyable inventeur (ou devrions nous dire agitateur) Luud Schimmelpennink. Fouillez dans les archives de l’INA néerlandaises, vous verrez, c’est un sacré personnage. Résultat : un vélo robuste, dénué de toute technologie, mais incroyablement efficace. Pour accéder au vélo, il avait déjà réfléchi aux prémisses de l’OV-Chipkaart, même si celle-ci n’existait pas encore au lancement du dispositif. Enfin, côté modèle économique, l’idée était relativement basique : “un tarif peu élevé, mais en contrepartie, des volumes importants”. Le tout devait être “marketé” autour de deux objets : le vélo et la carte.

Côté conception, Ronald a notamment fait appel à l’incroyable inventeur et agitateur Luud Schimmelpennink

Plus de 20 ans après, que faut-il en retenir ?

  • coté objet : le vélo est toujours là, et il a peu évolué. Les gares restent la plaque tournante pour les vélos : ils sont un des meilleurs alliés de l’intermodalité,
  • coté modèle économique : OV-Fiets offre une rentabilité (il était excédentaire avant le COVID) à l’opérateur NS Station,
  • côté technologie, la Chipkaart est encore une fois le sésame pour utiliser le vélo.

OV-Fiets est donc plus que jamais le second pivot de la stratégie NS Stations, après le stationnement en gare (voir épisode n°2)

Simple mais terriblement efficace

OV Fiets c’est avant tout un vélo… Une bicyclette très loin des smart bike(s) qui font la une des magazines. Il est ni électrique, ni même doté de poignées de freins (on utilise le rétropédalage), encore moins de sélecteur de vitesses… ne parlons même pas d’un afficheur Led !

Il est simple, mais il est partout : on le trouve ainsi dans plus de 300 gares et stations intermodales dans tout le pays. Dans les gares les plus importantes, OV-Fiets est un dispositif humanisé, et bien souvent couplé aux ateliers / magasins OV-Fiets & Service, un service particulièrement apprécié par les néerlandais. Ensuite, il existe bien sûr des dispositifs adaptés aux petites gares, qui permettent une utilisation autonome, sécurisée et proposée au même tarif que dans les grandes gares. Nous le détaillons dans notre exploration complète. 

Et pour louer ? c’est simple. Il s’agit de vivre aux Pays Bas, et de disposer d’une carte OV-Chipkaart personnelle. Le processus d’inscription est un “one shot”, puis le processus de drop-on / drop-off est très simple. Il diffère selon la taille des gares, et la présence humaine ou pas, mais reste globalement aisé. Côté tarification, c’est simple, c’est le même coût partout, et il n’existe pas d’abonnement.

Cette simplicité (ou cette efficacité) porte ses fruits : le nombre de vélos loués est passé de 850 000 en 2010, à 5 millions en 2018. En parallèle, la flotte a augmenté, mais dans une moindre mesure. J’allais oublier… NS Station évoque du bout des lèvres un chiffre de 3 utilisations de chaque vélo par jour dans certaines gares. Difficile à vérifier.  

Encore dans le coup ? 

Le dispositif OV Fiets contribue largement à la stratégie des NS Stations, qui vise à détourner les utilisateurs à l’emport du vélo au profit du stationnement ou de services alternatifs. C’est donc aujourd’hui un pilier majeur pour l’opérateur dans la plupart de ses gares. Pour autant, OV Fiets ne représente qu’un faible volume comparé à l’ensemble des déplacements, notamment au départ des gares… il réserve donc un potentiel encore énorme. Certains l’imaginent notamment – sous réserve de le faire évoluer – comme une des réponses à la problématique des parkings, de plus en plus en sous capacité (nous l’évoquions dans l’épisode n°2). 

Ronald, le créateur du dispositif, a quelques idées dans sa besace, et croit beaucoup à l’hybridation de ce système désormais “mainstream” avec les nouvelles solutions partagées qui se déploient aussi aux Pays Bas (plus tardivement qu’ailleurs). Mais la partie n’est clairement pas gagnée. Le système est devenu une “star” qu’il est difficile de faire évoluer.  

In fine, il est difficile de dire si OV Fiets va continuer sur sa lancée et convaincre toujours plus d’utilisateurs chaque année. Difficile de dire si NS Stations osera faire évoluer une formule qui lui rapporte de l’argent, avec un public toujours plus important. Ce qui est sûr c’est que ce système montre à quel point une innovation d’usage peut s’imposer, alors qu’elle n’embarque presque aucune technologie et qu’elle n’est pas noyée sous le marketing. 


Technologies : l’usage avant tout

Lorsque l’on vit aux Pays Bas au quotidien, utiliser les transports publics est très simple, et ce pour une raison évidente. Au-delà de la grande qualité des différents réseaux opérants dans les principales villes, les citoyens bénéficient depuis 2005 d’une carte qui leur permet d’utiliser l’ensemble des offres de transports – ferroviaire compris. Cette carte a un nom : OV-Chipkaart. Aujourd’hui, 11 millions de cartes sont en circulation, et le taux d’adoption est absolument majeur. Nous allons le voir, c’est en grande partie sur cette carte que repose également l’ensemble de l’écosystème door-to-door de NS, que ce soit pour accéder aux parkings ou pour emprunter un OV-Fiets. 

Un écosystème qui repose sur une carte

Paradoxalement vu de l’étranger, mais logiquement vu des Pays-Bas, l’écosystème vélo mis en place par NS est “card-based”, et non pas “app-based”. Curieux en 2021 ? Au contraire, logique étant donné le taux d’adoption de la OV-Chipkaart dans le pays. Mais ça n’est pas la seule raison. Selon Peter Van der Pol, Product Owner chez NS Station, ce choix est aussi lié à des contraintes technologiques : “A ce jour, c’est la seule manière d’offrir une réponse suffisamment rapide, notamment en période d’affluence. Un dispositif basé sur une app (via le NFC par exemple) n’est pas encore possible, par manque de standard adapté”. 

“A ce jour, la carte est la seule manière d’offrir une réponse suffisamment rapide, notamment en période d’affluence.

Cette carte, nous l’avons déjà évoqué, est un véritable sésame pour le “door-to-door” vélo+train. 

Elle permet d’une part d’emprunter des OV-Fiets. Dans ce cas, l’OV-Chipkaart est associée à un compte OV-Fiets. Au moment de l’emprunt, cette dernière est associée à l’ID du vélo. Tout est donc une question d’association ! Les agents sur place sont équipés d’un scanner qui permet d’associer, à l’emprunt, puis de libérer, au retour. Les modalités de paiement sont elles évoquées dans les épisodes n°3 et 4 : carte bleue (EMV) ou post-paiement. Ce fonctionnement répond à la volonté initiale portée par ProRail et NS Stations de proposer un vélo sans aucune technologie et de faire porter cette dernière par la carte. Mais visiblement, les choses changent : depuis quelques mois, NS Station teste un nouveau dispositif intégré sur les OV-Fiets : e-lock. Nous l’évoquons dans le détail dans l’exploration complète, en revenant notamment sur ce que ce projet a également eu comme conséquences sur la refonte globale des outils de gestion (back-end). 

L’OV-Chipkaart permet d’autre part d’accéder (check-in / check-out) aux différents parkings sécurisés en gare, qu’ils soient avec ou sans présence humaine. Nous avons pu observer différents types de dispositifs en fonction des lieux, plus ou moins rapides et plus ou moins nombreux. Peu importe leur configuration, ils ont un point commun : ils sont devenus une formalité pour les utilisateurs, tellement habitués à utiliser leur OV-Chipkaart au quotidien.

Une interaction avec les gares qui évolue 

Le duo entre l’OV Chipkaart et le vélo (personnel ou emprunté) est primordial. Mais les vélos interagissent également avec “l’infrastructure physique”. 

Du côté de l’opérateur, plusieurs systèmes permettent de suivre l’utilisation des places et des OV-Fiets. Que ce soit pour les scanners, les outils de supervision ou de comptage, tout cela va évoluer. D’une part, des réflexions importantes concernant le back-end sont en cours. D’autre part, ProRail introduit petit à petit une troisième génération de compteurs, avec un objectif : équiper 100 000 nouvelles places de stationnement pour vélos en gare au cours des huit prochaines années. Ces outils sont absolument primordiaux, car au delà de la supervision, ils permettent de suivre, d’analyser les usages, et par conséquent d’envisager les projets de demain. 

Du côté de l’utilisateur, l’interaction avec l’infrastructure physique permet une fois sur place d’être guidé au mieux vers le meilleur emplacement en fonction de son besoin. Une fois sur place seulement… ainsi, on pourrait être surpris de ne pas avoir la possibilité de réserver une place, ou encore de connaître la disponibilité de ces dernières en temps réel sur une app. Cela pourrait changer coté disponibilité, mais les chefs de projets de NS Station nous l’ont confirmé, pas côté réservation. 

“Les vélos interagissent également avec l’infrastructure physique”. 

Vélo et Mobility As A Service ? 

A priori, le “Mobility As A Service” vanté par tous les experts est loin. Présence humaine massive, peu d’automatisation, système card-based… Le seul élément qui pourrait cocher la bonne case est éventuellement le post paiement… mais il est peu utilisé !

Alors, point de MaaS à l’horizon ? Les équipes “Door-to-Door “(environ 10 personnes supervisées par Peter Van Der Pol) y travaillent… mais attention, sans jamais trahir leur philosophie : déployer des outils utiles, en gérant au mieux l’équilibre entre une vision pour les utilisateurs du quotidien, et les utilisateurs de demain : “handle the balance between a vision for daily customers and customers of tomorrow”.

Quelles sont les prochaines étapes ? l’évolution du back-end, dans une logique d’API pour lier l’ensemble des services ; le déploiement de nouvelles solutions d’information et enfin, l’intégration progressive de OV-Pay, ou pour le dire plus simplement, le passage de la billettique à la monétique et à l’open payment, fortement promu par le Gouvernement. 

“Handle the balance between a vision for daily customers and customers of tomorrow”.

Lorsque l’on utilise les différents dispositifs de l’écosystème vélo+train, ça n’est pas l’aspect technologique qui saute aux yeux. C’est plutôt la présence humaine, massive dans les lieux d’intermodalité. En tant qu’observateur extérieur, on peut également être déconcerté par l’absence d’information en temps réel sur les places de parking vélo sur une app, la capacité de réserver une place, un OV-Fiets ou encore de prendre un abonnement pour ce dernier. Mais en réalité, en tant qu’utilisateur, le processus est tellement fluide, simple, flexible, que ces “lacunes” sont rapidement oubliées. On se demande même si elles sont essentielles… En tant qu’opérateur, cette simplicité n’empêche pas une vraie complexité en back-end et de nombreuses expérimentations pour améliorer encore les process… des expérimentations qui seront pérennisées qu’à la condition que la Business Unit soit d’accord 🙂


D’Amsterdam à Delft : cinq manières de voir les gares

Les gares sont le pivot. Les gares sont l’interface. Les gares sont les repères. Elles sont l’élément essentiel de bon nombre de déplacements réalisés par les néerlandais, et de l’intermodalité entre vélo et train. Pour autant, il y a autant de gares que de territoires traversés. Notre objectif n’était pas tant de posséder une vision exhaustive, mais plutôt Au travers de typologies de gares différentes, de comprendre comment l’approche vélo+train était traitée pour répondre au mieux aux différents usages. Nous reviendrons bien évidemment sur les questions d’emplacement, d’ergonomie, d’accès, de tarification et de paiement.

Le réseau néerlandais compte pas moins de 400 gares, alors évidemment, lorsqu’il s’agit de choisir des cas d’études, cela peut s’avérer compliqué. Loin d’une volonté d’être exhaustifs, nous nous sommes surtout penchés sur des gares spécifiques, de par différents aspects : Utrecht : elle est la plus fréquentée du pays ; Amsterdam Centraal : la plus emblématique ; Muiderpoort et Amstel : des gares de “banlieue” aux configurations très différentes ; Delft : la gare ou les services vélo sont totalement gratuits ! 

Finalement, nous n’avons pas retenu de gares classées dans les catégories “stop” et “basic”, mais cela pourra être l’objet d’une saison 2 de notre exploration. Que peut-on raconter sur ces différentes gares ? Beaucoup de choses en réalité. La vidéo a cette immense capacité à parler avec des images. Nous ne pouvons donc que vous conseiller d’aller faire un tour sur l’exploration dans sa totalité. Nous rédigeons néanmoins ici une version sans filtre, plus personnelle (cyclistes depuis plus de 20 ans et fondamentalement intermodaux). 

Amstel Amsterdam

Commençons par Amstel Amsterdam. Située à l’Ouest de la ville, elle est un hub intermodal très bien conçu, récemment rénové, qui connecte train et métro, mais aussi de très nombreuses pistes cyclables. Typiquement c’est le genre de gare ou une très grande partie du stationnement sur l’espace public a été supprimé au profit d’un parking en ouvrage. C’est d’ailleurs au sein de ce dernier qu’est expérimenté un des nouveaux portiques d’accès (check-in / check-out) automatisé. Côté pile, c’est donc une gare moderne, et adaptée à l’intermodalité vélo et train. Pas étonnant que 45% des voyageurs arrivent sur une selle !

Amstel est un hub intermodal très bien conçu… 

Côté face en revanche, on observe encore un parking sur la voie publique, non surveillé, non abrité, et finalement assez mal conçu en termes de signalétique. Il y a fort à parier que la prochaine étape consistera pour NS et ProRail à traiter cette face plus sombre !

Amsterdam Centraal

A Amsterdam Centraal, il y aurait tant à dire. C’est évidemment la gare la plus connue, d’autant plus pour un étranger. Elle est une des 11 gares présentes dans la capitale. Côté accès, le tunnel ainsi que les sites propres vélos déployés tout autour de la gare sont remarquables. Vraiment remarquables. Ils donnent clairement le ton sur la priorité qui est donnée au vélo. En revanche, ça n’est pas du tout la gare la plus exemplaire côté stationnement vélo. S’il existe 3 parkings surveillés, leur localisation et leur capacité sont clairement mal pensées. La conséquence ? des milliers de vélos sont parqués à même l’espace public, ou dans des ouvrages non surveillés, très peu qualitatifs.

Amsterdam Centraal n’est pas du tout la gare la plus exemplaire côté stationnement vélo. 

Pas génial en termes d’image. Mais deux projets majeurs pourraient résoudre en partie ce problème : 4000 places d’un côté, 7000 de l’autre, deux cabinets d’architectes reconnus ont été missionnés pour proposer des solutions en souterrain assez remarquables, qui feront surement de la gare d’Amsterdam Centraal de nouveau la reine des gares des Pays Bas… La compétition est en marche. 

Amsterdam Muiderpoort

Comment classifier Amsterdam Muiderpoort ? Conseillée par les responsables de NS Station lorsque nous cherchions à voir des “plus petites gares”, nous sommes arrivés ici sur un terrain complexe. Située sur l’une des principales portes d’accès de la ville à l’Est, cette gare est plutôt une station de banlieue proche / de première couronne. Mais elle est, en terme ferroviaire, structurante, car elle permet de lier deux faisceaux stratégiques. Côté intermodalité, de nombreux vélos sont stationnés en extérieur malgré la présence d’un parking surveillé. Ce dernier est très particulier, car il fonctionne vraiment comme un self service. Point de présence humaine  : coté check-in / check-out, c’est un dispositif de portique vitré, avec validation OV-Chipkaart et CB qui fait le job. Côté OV-Fiets, on retrouve ici le fameux système semi-automatisé avec accès via Pin Code et OV-Chipkaart.

Muiderpoort fonctionne vraiment comme un self service.

L’accès se fait de 05:50 à 01:20, une amplitude adaptée à tous les intermodaux, même les plus matinaux ! A peine plus de 50% des utilisateurs ont noté cette gare plus de 7/10. Ce système de self service, et la faible capacité du parking surveillé y sont sûrement pour beaucoup. On parlait plus en amont de l’importance de la présence humaine. 

Delft

Delft est un peu à l’opposé, la gare modèle. Dans une ville ou ⅕ des habitants sont des étudiants, cet équipement public est central, mais surtout modèle. L’idée de montrer l’exemple aux générations futures ? très bien placée, très bien pensée, très bien reliée, très bien équipée. Inaugurée en 2015, la nouvelle gare a une particularité concernant l’intermodalité vélo : le parking est ouvert 24/24h, 7/7j, et est totalement gratuit jusqu’à 14 jours. Une exception ! Les 5 000 places sont très facilement accessibles, et une fois sur place, se rendre jusqu’à son train est un jeu d’enfants… ou d’étudiants ! Vous sentez un peu d’engouement de notre part ?

La Gare de Delft est un équipement public central, mais surtout modèle. L’idée de montrer l’exemple aux générations futures est bien là… 

Les chiffres sont là pour nous conforter : 52% des voyageurs arrivent en vélo. Mais surtout, 37% repartent sur un vélo, ce qui est un chiffre absolument majeur comparé aux 13% d’Amstel, 10% d’Amsterdam Centraal, 15% de Muiderpoort, et même 10% d’Utrecht… pourtant la première sur le podium.

Utrecht Centraal

Oui, car en termes de fréquentation mais aussi de stationnement vélo, c’est bien Utrecht Centraal qui détrône toutes les autres. Evidemment, 93,99% des voyageurs lui ont attribué une note de plus de 7/10, alors il y a de quoi se vanter. Il faut dire qu’avec au total 4 espaces de stationnement sécurisés et réservés aux vélos (pour plus de 22 000 places), dont le plus important du monde Stationsplein Groot et ses 12 500 places, il y a de quoi parader. Cette démonstration de force de NS Station répond aussi à une réalité : 272 000 passagers transitent par cette gare chaque jour (dont 43% arrivent en vélo). Le besoin est donc majeur. C’est pourquoi, quand la gare nouvelle version a été inaugurée en 2016, l’accent a été largement mis sur le vélo. Mais au-delà des chiffres, comme nous l’avons déjà évoqué, ce qui est marquant à Stationplein Groot c’est aussi et surtout la gestion de l’accès, et cette autoroute avec péage pour vélo qui a été déployée. Incroyable à l’usage !

Plus de 93,99% des voyageurs ont attribué à Utrecht Centraal une note de plus de 7/10,… alors il y a de quoi se vanter.

N’oublions par les OV-Fiets, disponibles en nombre, 24/24h. De quoi ravir les très nombreux cadres de NS Station dont les bureaux sont accessibles via la Hall de la Gare. Ils étaient ravis de nous faire visiter cette infrastructure ! 

Que retenir de ces milliers de pas à user le sol de ces gares, aux heures passées dans les trains de la NS et aux nombreux rétropédalages réalisés sur des OV Fiets loués dans chacune de ces gares ? Il est clair que toutes ne se valent pas. Delft et Utrecht sont vraiment des modèles, pour de nombreuses raisons. Mais malgré tout, même dans les gares les moins bien notés et les moins bien dotées, l’intermodalité vélo + train reste honnêtement très facile : il y a toujours une place pour garer son vélo, peu importe les gares, la fréquence des trains est très importante (l’attente est donc mineure) et les cheminements sont très largement facilités par une signalétique omniprésente… tiens un autre sujet que nous évoquons plus en détail dans l’exploration complète. 

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