Bern “Breitenrain”, le quartier le plus peace & kids ?

Le travail d’urbaniste est complexe. Comment par exemple créer, ou recréer dans un quartier résidentiel l’équilibre, l’alchimie qui permettra à toutes les générations de s’épanouir, à tout un chacun de se déplacer dans les meilleures conditions, aux commerces de vivre décemment et pourquoi pas même d’attirer les voisins ! J’ai eu la chance de parcourir le quartier de Breitenrain à Berne, en Suisse alémanique. Et quoi de mieux pour me faire ma propre opinion que d’y aller en vélo, avec mon épouse et mon fils de 5 ans ! A peine rentré, je souhaitais vous partager mon enthousiasme parce que j’ai trouvé ici une alchimie vraiment prégnante entre des zones de rencontre bien exécutées, une ouverture, dans tous les sens du terme, une culture du vélo assez chouette, le tout dans une ambiance où il fait bon laisser un petit dans la rue. Récit. 

Plus grande zone de rencontre de Bern !

Avant même de franchir la rue principale qui marque la jonction avec ce fameux quartier de Breitenrain, une petite rue résidentielle donne le ton. Tous les codes de l’urbanisme tactique, ou d’acupuncture urbaine sont là. Je vous laisse en juger par vous même. Je vous encourage aussi à visualiser les images de Google Street View avant ce projet, c’est toujours parlant. Le panneau 20 km/h réalisé par les enfants finira de convaincre les réticents. Traverser cette rue met en confiance.

Puis arrive le quartier de Breitenrain. Et en le parcourant pour se rendre au parc pour enfants de Schützenweg on comprend pourquoi comme l’évoque la municipalité “la fusion de la zone rencontre de Breitfeld et de nombreux autres tronçons plus petits avec une limitation de vitesse à 20 km/h vient de donner naissance à ce jour à la plus grande zone de rencontre de la ville de Berne”. C’est plutôt simple, la limite de vitesse est de 20 km/h dans toutes les rues du quartier entre la Tellstrasse et le Nordring. Au nord, la zone de rencontre est bordée par la Standstrasse et au sud par la Breitenrainstrasse/Rodtmattstrasse. 

Ca c’est pour la théorie. Et en pratique ? L’impression de sécurité en se baladant avec un enfant de 5 ans en vélo est réelle. Les voitures sont en réalité peu nombreuses. Leur stationnement à été limité. Les automobilistes respectes dans l’immense majorité les vitesses max. Surtout, la plupart des rues ont été configurées dans une logique qui encourage vraiment à pratiquer une vitesse réduite, même en vélo. On retrouve très clairement certains ingrédients du woonerf néerlandais, avec des “obstacles” à même les rues, l’obligation de slalomer pour les voitures. Le tout accompagné d’une signalétique bien visible et souvent agrémentée de petites touches personnelles DIY. Cerise sur le gateau, la dynamique « zone de rencontre » arrange tout le monde, puisque comme l’indique la municipalité “pas besoin ici de modernisation complexes et coûteuses” ! La planification et la réalisation ont coûté au total 150 000 francs suisses et avaient au préalable été approuvées par le conseil local en 2020.

Le quartier “open source” ? 

Au-delà de cette zone de rencontre au sens urbanistique du terme, ce qui frappe dans ce quartier c’est son caractère “ouvert”. Je ne parle pas uniquement des drapeaux LGBT qui flottent ici et là, ni des slogans anti -discriminations très souvent rencontrés, mais plutôt d’une organisation, d’une pratique qui semble ancrée dans le quotidien. Les logements sont ouverts sur l’extérieur. Les jardins sont très nombreux, bien souvent partagés, et les espaces “collectifs et participatifs” sont la règle. Il en va de même pour le stationnement des vélos, particulièrement présent (j’y reviendrai). Idem pour les jardins pour enfants, bricolés par les habitants, ou les cours d’écoles ouvertes à l’extérieur. 

Le processus d’aménagement est lui aussi une bonne illustration de cette logique d’ouverture… La création des zones de rencontre est le fruit d’une concertation citoyenne : “la grande zone de rencontre du Nord est le résultat de l’initiative de l’organisation de quartier Dialog Nordquartier”. Celle-ci avait fait remonter une envie des habitants de continuer à pacifier la circulation dans le quartier. 

Tellement “kids friendly” 

Alors évidemment, un quartier configuré dans cette logique laisse une large place aux enfants. C’est un fait. Il est plutôt facile de s’y balader avec eux en vélo, ou à pied. Facile aussi pour eux de jouer dans la rue : j’ai croisé plusieurs paniers de baskets déployés à même la rue ! Et puis il y a tous ces jardins & parcs si particuliers… 

En premier lieu, évidemment, le Schützenweg. Un terrain de jeu qui propose des “aventures”. Au delà du basique bac à sable et des balançoires, c’est un bateau, un cockpit, une planche à roulettes, un toboggan et surtout beaucoup d’espace. Que du matériel de récupération, installé et laissé à disposition des enfants. Pendant les heures encadrées, les enfants, accompagnés, peuvent s’essayer au bricolage, dessiner et même réparer leur vélo. L’été, l’association qui gère une partie du lieu se déplace dans différents lieux du quartier en proposant de nombreuses activités. Pour les fêtes d’enfants, il est possible de louer un grill, des tables de fête, un grand tipi etc… assez dingue ! 

Il y a d’autres équipements pour défouler les petits. Le Rollpark Lorraine est à disposition dans la cour de l’école Lorraine. Un pump track asphalté disponible pour tou.te.s ! Idem pour le Dammwegpark… tout un concept ! Un grand toboggan, une pelouse de jeu, une table de ping-pong, le tout relié à la rue via une passerelle, qui permet d’accéder à un parcours d’escalade et d’équilibrage, une cabane dans les arbres et une fontaine d’aventure. On y trouve aussi pour les parents deux grills, des bancs et une table de pique-nique et des toilettes ! Kids friendly je disais. D’ailleurs, tout cela est disponible sur le Familienstadtplan

Une culture vélo bien présente 

Évidemment, la sauce prend aussi parce qu’ici zones de rencontre, pacification et perméabilité du tissu urbain rime avec vélo. On n’est pas encore à Houten, mais le vélo est présent, massivement, et toutes les grandes sectes sont bien représentées. Celle du “je m’en cogne de ma monture”, le fétichiste de la courroie (beaucoup de Schindelhauer), le looké qui roule en fixie vintage ou avec un vieux bike ou il passe ses vitesses sur le cadre. On n’oublie évidemment pas les vélo cargos. Mais ces derniers n’ont ici clairement pas gagné la bataille contre la team “remorque” : j’ai aperçu tous les modèles et toutes les couleurs de Thule en très peu de temps… Et puis il y a les Bromptoniens, qui trouveront leur bonheur dans l’excellent magasin Velokurierladen ! 

La généralisation du 20 km/h, puis du 30 km/h sur les artères qui “entourent” le quartier donne un avantage clair au vélo. Il permet de parcourir le quartier de manière sécurisée, rapide, quitte, et c’est toujours le paradoxe, à se retrouver un peu secoué en revenant sur des quartiers plus “classiques”. Ce qui rend la pratique cyclable aisée c’est aussi les stationnements vélos. Très basiques, bien souvent juste abrités, ils sont disponibles à peu près partout, que ce soit au droit des logements, individuels ou collectifs, mais aussi des commerces et principaux ERP. C’est vraiment notable dans le quartier. 

Bref, le quartier parfait ? Vraisemblablement pas. Surement en proie à la gentrification, lui aussi : la Lorrainestrasse qui “clôture” la zone à l’ouest en est peut être une petite illustration. Encore trop traversé sur ses axes à 30 km/h. Encore trop gentil avec le stationnement voiture… Mais avec un regard de papa, il m’est apparu chouette d’y embarquer mon enfant. Avec un regard d’explorateur, j’ai pris du plaisir à le parcourir en long et en large. Avec un regard de citoyen, c’est quelque chose que j’aimerais tant voir là ou je vis. Comme je le dis souvent, le mieux, c’est de venir observer avec vos yeux, et de vous faire un avis! Je vous y encourage.  

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