Suisse : le transport comme vecteur d’attractivité touristique

Nous venons de passer l’été 2024 avec un sentiment mitigé. D’un côté une pause bien méritée pour certain.e.s, le chemin des vacances, et des millions de personnes se transformant d’un coup d’un seul en touristes. De l’autre, la folle impression que quelque chose ne va pas : alors que beaucoup montaient dans un avion ou une voiture pour prendre le large, la Californie brûlait comme jamais, Athènes suffoquait, on se brûlait les pieds sur les plages du sud de l’Espagne et au même moment, de nombreux indiens se noyaient, victimes d’une mousson beaucoup plus expressive qu’à son habitude. Cette période met beaucoup d’entre nous face à un dilemme : faut-il totalement abandonner nos envies d’ailleurs ? Que faut-il modifier pour profiter, se divertir, changer d’air tout en impactant le moins possible notre environnement ? A en lire l’étude publiée par l’ADEME en 2022, il semble que changer nos habitudes de déplacements serait une des actions les plus impactantes, ces dernières étant celles qui génèrent le plus d’émission de CO2 lors d’un séjour. 

Au sein de mon cabinet, c’est une dynamique que je tente d’accompagner depuis plusieurs années, en conseillant au mieux des structures touristiques et des autorités de transports. Afin d’alimenter ma réflexion, j’ai décidé de consacrer mon exploration 2024 à la thématique de la mobilité et du tourisme. J’ai donc cherché à identifier le territoire le plus en pointe sur le sujet. Parmi plusieurs autres prétendants, la Suisse m’est apparue comme un pays très en avance sur ce fameux mariage entre mobilité et tourisme, voire peut-être le premier sur le podium à l’échelle du continent européen. Alors certes, c’est un petit pays, au PIB élevé. Un pays qui bénéficie d’un des réseaux de transport parmi les plus denses au monde. Un pays qui, de par ses paysages, attire déjà de très nombreux touristes. Mais c’est aussi et surtout un des pays qui a le plus capitalisé sur son offre de mobilité pour proposer des solutions alternatives à la voiture, jusqu’à en faire un argument marketing très puissant. J’ai évidemment souhaité vérifier cela sur le terrain. Je me suis donc rendu sur place, j’ai rencontré de très nombreu.ses expert.e.s, et j’ai surtout testé moi même de très nombreuses solutions et offres de mobilité, afin de comprendre quels étaient les ingrédients de la recette suisse. Voici mon récit.  

[Cette publication marque le début d’un parcours de Masterclass, dont les détails sont expliqués ici].

 

Episode n°1 – 1 Un pays qui capitalise sur la densité de son offre

Commençons par le début : la Suisse possède un des réseaux de transports publics les plus denses au monde. Il est évident que c’est une base absolument essentielle pour promouvoir une mobilité décarbonée. Mais l’offre ne suffit pas à elle seule pour attirer les touristes, qui ne sont pas tous des spécialistes du ferroviaire Suisse, ou peut être pas au courant de ses qualités ! Ainsi, au-delà de la densité de l’offre, il y a quelques spécificités qui font de la Suisse un cas particulièrement intéressant pour les visiteurs qui souhaitent découvrir un pays sans jamais toucher à une voiture. 

Le(s) train(s) comme colonne vertébrale

Ce qui saute aux yeux en arrivant en Suisse lorsque l’on se projette dans un voyage sans voiture c’est d’abord la densité du réseau ferroviaire. On ne va pas ici réinventer l’histoire du chemin de fer suisse, elle est passionnante mais déjà sur-renseignée en ligne. Gardons en tête quelques chiffres marquants. Le chemin de fer suisse c’est plus de 5100 km de lignes, dont plus de 90% électrifiées sur un territoire d’à peine 41 000 km2, soit un réseau 3 fois plus dense que le réseau français, et presque 2 fois plus que chez nos voisins néerlandais. 

Il y a plus de 70 entreprises ferroviaires qui exploitent les différents réseaux ferroviaires suisses. Environ 75% du réseau ferroviaire suisse est à écartement standard, et est exploité par les SBB-CFF-FFS (chemins de fer fédéraux) pour environ 3200 km. On pourrait aussi parler de BLS, autour de Bern, sur 430 km environ. Puis d’autres entreprises se partagent le reste du réseau standard. L’autre partie du réseau est à voie étroite, et c’est RhB qui en exploite la majeure partie. Sur le terrain, c’est donc beaucoup de trains rouges et blancs sur les principales lignes , puis en local, un beau patchwork de couleurs et de matériels roulants ! 

SBB-CFF-FFS, c’est de loin l’entreprise ferroviaire la plus présente, la plus visible et sûrement la plus innovante du pays.

Revenons sur les SBB-CFF-FFS. Une très belle boîte (soyons précis, une société anonyme de droit public) dont le capital est détenu en totalité par l’Etat fédéral. Largement plébiscitée par les habitants, elle avance aussi ses pions du côté de la clientèle touristique.

Parce que depuis le Covid, les CFF constatent un déplacement de la demande vers le trafic de loisirs. Ils souhaitent mieux répondre à cette demande « ponctuelle », notamment en gagnant en flexibilité dans les horaires. C’est d’ailleurs l’un des axes stratégiques des CFF. Mais c’est aussi et surtout un défi important. A court terme, cela signifie intégrer des relations supplémentaires aux horaires cadencés (j’en parle juste après), et en réalité, c’est un processus extrêmement complexe. Les CFF développent pour cela des logiciels très différents de ce qui se faisait auparavant permettant d’enrichir l’offre à certaines périodes pour lesquelles ils constatent une demande accrue, comme les week-ends, les jours de ponts ou lors de grands événements culturels ou sportifs. Ils souhaitent aussi mieux considérer la chaîne de transports dans son ensemble, en améliorant par exemple les liaisons plaine-montagne, en intermodalité avec des télécabines, à l’image de ce qui se fait en Valais.

Le cadencement généralisé et son impact sur les visiteurs

L’offre ferroviaire suisse est massive, parmi les plus denses du monde, et les opérateurs nombreux. Elle suit surtout plusieurs principes qui génèrent des effets très positifs pour les touristes. Le premier point notable pour un public de non initiés, c’est évidemment le cadencement généralisé. Il n’a pas été créé pour les touristes, loin de là, mais de par certains de ses objectifs initiaux, leur facilite grandement la tâche. En effet, ce dernier visait dès son origine à simplifier la production de l’horaire et améliorer la lisibilité du service pour les clients.

La devise du cadencement suisse c’est la vitesse utile, soit « aller aussi vite que nécessaire et non pas aussi vite que possible ».

Disons le plus simplement et plus concrètement : la Suisse, ce sont des temps de trajet en train entre « noeuds » (des gares bien costauds) en multiples de 30 minutes et des liaisons déjà projetées à 15 minutes de fréquence dans tout le pays pour 2050. 

L’exercice de planification suisse a un second avantage pour celle ou celui qui ne connaît pas le réseau, et d’ailleurs pour tous les autres : il permet d’indiquer sur les affiches horaires en gare la voie affectée à chaque circulation, que l’on retrouve également sur le site Internet des opérateurs (tiens tiens, quelque chose aussi observé aux Pays-Bas)

Dernier point intéressant pour les touristes… la construction d’un horaire cadencé implique une conception de l’organisation des dessertes destinée à rendre les correspondances les plus faciles y compris avec les réseaux de bus et de cars. Et le sujet n’est pas nouveau, puisque les CFF (chemins de fer suisses) furent chargés de la coordination des offres de “train-autocars-bateaux” dès 1982 avec le premier horaire cadencé généralisé. Et effectivement, sur le terrain, même dans des coins très reculés, il m’est arrivé régulièrement de tomber sur un système d’autobus ou de TAD aligné sur les horaires d’arrivée des trains. Autre point notable concernant l’intermodalité, mais j’y reviendrai (dans l’épisode n°2), l’information voyageurs est précise, et joue ainsi un rôle fondamental. 

Car Postal, le complément routier essentiel et omniprésent

Si SBB-CFF est un acteur essentiel de la réussite du modèle de transport public suisse, il a son pendant côté route avec la très connue Car Postal. Reconnaissables de par leur couleur (jaune) et leur “cor à trois tons”, les 2317 autocars du groupe (dont 100% seront électriques d’ici 2040) assurent des services réguliers sur presque 1000 lignes, dans treize régions, et permettent à des millions de jeunes élèves de se rendre en cours chaque jour, tout comme à de très nombreux navetteurs de se rendre sur leur lieu de travail, souvent en intermodalité avec un réseau ferroviaire. 

Mais Car Postal, c’est aussi une offre qui se prête bien aux publics de touristes, parce que l’entreprise a toujours été celle qui a permis l’accès aux stations et aux cols, lorsque le transport ferroviaire n’était pas disponible. L’ouverture de la première ligne CarPostal via un col alpin date en effet de 1919. Elle franchissait le Simplon. En 1921, les premiers cars postaux passaient le col de la Furka et le col du Grimsel. En 1922 le Gothard. 

Les passages par les cols alpins ont marqué le début d’une ère nouvelle, parce que les trajets en Car Postal devenaient aussi un loisir. 

Cette offre, l’opérateur a toujours continué à la développer en proposant des excursions, ou encore des fameuses “routes des cols”. Elle essaye également de faciliter la vie aux cyclistes et VTTistes. D’une part, via le dispositif “Resabike”, qui permet de réserver des emplacements dans les autocars dans certaines régions bien spécifiques. Mais aussi via l’intégration de tous les horaires et paramètres de réservation directement au sein de l’application CFF/SBB et la possibilité de réserver sa place vélo directement depuis cette dernière. [Vous vous en doutez, j’y reviens lors de la MasterClass].

Le “Swiss Travel System” : point d’orgue du dispositif

Des arguments, les Suisses en ont donc déjà beaucoup. Et ils s’en vantent : « nous proposons un réseau ferroviaire parfait, avec des courtes distances, des connexions directes aux aéroports, des horaires à intervalles réguliers, des trains Intercity toutes les 30 minutes”. Autre argument de taille pour le public de touristes : “aucun besoin de réserver”. Tout cela offre un terreau plus que fertile pour créer une dynamique de marketing et faire de l’offre de mobilité un argument d’attractivité. Et c’est exactement l’ambition du Swiss Travel System. Piloté par Swiss Travel System SA (STS SA), société de marketing basée à Zurich, son message est clair…

“Tous les hôtes étrangers voyagent en Suisse en train, en bus et en bateau”.

L’activité principale de STS SA consiste donc en des activités de marketing ciblées dans différents pays, en mettant en avant la qualité du réseau transports publics pour les attirer. Mais j’y reviendrai dans l’épisode n°5, car j’ai eu la chance d’interviewer le CEO de STS SA lors d’un tournage à Zurich. 

Pour les touristes, la partie visible de l’iceberg STS-SA s’appelle Travel Switzerland. Cette marque commerciale a été très fraîchement remise au goût du jour. Sur le fond d’abord, le fait d’associer le mot voyage (travel) au train, aux bus et aux bateaux c’est un positionnement, l’expression du meilleur choix pour se déplacer à travers le pays. Sur la forme, c’est aussi un lien plus direct et plus lisible avec la marque (my)Switzerland. Coté message, on ne peut pas faire plus clair : “Que ce soit sur les rails ou sur les routes, sur l’eau ou en altitude, par les cols les plus élevés ou les tunnels les plus longs : grâce à notre infrastructure qui fonctionne comme une horloge, vous arrivez là où vous voulez en toute sécurité, sans effort et à l’heure. C’est pourquoi nos transports publics sont la manière la plus confortable, la plus étonnante, la plus délicieuse, la plus authentique, la plus durable et – surtout – la plus naturelle de voyager en Suisse.”

In fine, on le comprend bien, c’est une complémentarité entre l’ingénierie suisse (je pourrais presque dire l’horlogerie suisse), qui a permis le cadencement généralisé ; tout le travail sur l’intermodalité que cela a entraîné, avec un angle majeur concernant l’information voyageurs ; le tout associé à un marketing thématique autour de la mise en tourisme du transport, qui fait de la Suisse un modèle unique dans son genre. Ce modèle, associé à un grand nombre de dynamiques régionales et locales, rend le système d’autant plus efficace et attractif.

Episode n°2 – Une volonté de faciliter l’accès et promouvoir les offres

Posséder un réseau de transports dense est une chose, le connaître et y accéder en est une autre, surtout pour un public spécifique comme les touristes. C’est pour cette raison que les “facilitateurs de mobilité” jouent un rôle absolument primordial en Suisse. C’est le cas des outils d’information voyageurs, des grilles tarifaires et des supports qui leur sont liés. Et à ce jeu, les Suisses sont encore une fois parmi les plus avancés d’Europe. Parce qu’en back office, c’est un très grand nombre d’opérateurs et une myriade de communautés tarifaires qui permettent d’accéder à l’offre. Mais en façade, le tout paraît extrêmement simple et facile d’accès. Cela vaut évidemment pour les habitants mais aussi pour les touristes. Comme quoi, améliorer l’offre de mobilité a un impact universel.

Informer : avec une qualité exceptionnelle 

Parmi les premiers facilitateurs de mobilité, il y a bien sûr l’information. Dans un pays ou plus de 250 entreprises de transport se partagent le marché, presque 500 si l’on ajoute les transports par câble, funiculaire etc… on pourrait s’imaginer un spaghetti innommable d’applications, d’informations dispersées sur des canaux en tous genres. Il n’en est rien.  

Parce qu’une application, celle des chemins de fer fédéraux, regroupe tout ce dont un habitant, mais aussi un touriste a besoin.

L’application SBB-CFF a réussi là où beaucoup d’autres ont échoué. Non seulement elle regroupe l’ensemble de l’offre à disposition, aussi multimodale soit-elle, mais elle offre des fonctionnalités d’autant plus appréciables pour les touristes. Quelles sont celles qu’il faut retenir ? L’information sur les trajets, avec un niveau de détail très important sur la composition des véhicules, les taux d’occupation et les services associés à chaque mode de transport. Associons à cela une généralisation du temps réel, qui offre un confort plus qu’utile pour les visiteurs. Ce temps réel justement, il permet de suivre à la minute près le moindre retard ou encore un éventuel changement de quai. Chaque utilisateur est informé en temps et en heure afin de pouvoir trouver des alternatives et être rassuré.

Surtout, et nous y reviendrons, la particularité de l’application SBB-CFF,  c’est que bien qu’elle soit produite et pilotée par le principal opérateur ferroviaire (fédéral), elle donne accès à une immense variété d’autres modes de déplacements allant du vélo en libre service au piéton, en passant par le transport cable, le métro ou encore les autocars de Car Postal. [Lors de la Masterclass, j’évoque notamment la prise en charge du vélo dans l’app]. L’application SBB-CFF facilite grandement cette dernière. L’intégration de l’offre multimodale est poussée à un niveau bluffant, si bien qu’un touriste ne se rend absolument pas compte qu’il va parfois devoir enchaîner trois ou quatre opérateurs de transport dans son trajet. 

L’application fait donc très bien le job dans un monde virtuel. Mais qu’en est-il sur le terrain ? Dans les véhicules, que ce soit les trains, les autobus, les trams etc… l’information est très présente, en grande partie dynamique (temps réel), et bien souvent intermodale.

La standardisation, centralisation et coordination des données (nous reviendrons plus tard sur le rôle de Swiss Alliance) permettent d’accéder à une information précise sur l’ensemble de la chaîne de déplacement, avec un niveau de détail appréciable sur les quais de départ, les éventuels retards etc…

Pour des touristes qui devraient éventuellement subir des ruptures de charge, c’est un élément de rassurance absolument essentiel. 

Enfin, l’information présente dans les véhicules est parfaitement relayée sur le terrain. La signalétique et le jalonnement sont particulièrement présents et respectent des standards qui assurent une homogénéité de l’information à l’échelle nationale. C’est particulièrement vrai pour les transports publics, mais aussi pour le vélo et la marche. Le travail réalisé par Suisse Mobile à ce sujet est particulièrement remarquable, j’y reviens dans l’épisode n°3. 

Tarifer : du pass urbain au pass national… 

En Suisse, il y a de très nombreuses communautés tarifaires à l’échelle nationale et régionale (plus de 20). Pas évident de s’y retrouver pour certains, et carrément une crainte de se “planter” pour d’autres.

Mais pas de panique, ici le “pass” est la star. 

D’un côté, il y a le Swiss Travel Pass. Spécifiquement créé pour les touristes, ce produit permet de voyager sans limite en Suisse en train, bus, tram, métro ou bateau. Il est disponible pour 3, 4, 6, 8 ou 15 jours consécutifs. Avec le Swiss Travel Pass, on profite de transports publics inclus dans plus de 90 villes, on peut visiter 500 musées gratuitement et les billets pour les remontées mécaniques sont au moins 50% moins chers. Personnellement, j’avais fait le choix de la version Flex. En activant mon titre chaque jour manuellement, cela m’a permis de profiter du Pass pendant 15 jours non consécutifs. Une bonne option pour de longs séjours. L’achat du pass est très simple, depuis le site des CFF, de la plupart des tours opérateurs, ou directement depuis le site spécifique. Une fois le formulaire rempli, et l’achat réalisé, l’activation se fait par un simple mail, et le Pass est disponible depuis son wallet. C’est d’une grande simplicité.  

De l’autre, il y a toutes les villes qui vous proposent un pass totalement gratuit, donnant accès à l’ensemble du réseau de transport public de leur zone :  

  • Le plus connu est le Geneva Pass. En séjournant dans un hébergement à Genève, on reçoit gratuitement la «Geneva Transport Card» en version digitale. Elle rend les transports publics genevois gratuits durant toute la durée du séjour. Elle permet d’utiliser sans limites le réseau genevois des transports publics (UNIRESO: bus (TPG), train (CFF) et bateau (Mouettes genevoises). Subtilité notable : on reçoit un lien par email trois jours avant son arrivée afin d’activer sa Geneva Transport Card sur son smartphone, et donc commencer à l’utiliser pour rejoindre son hébergement depuis l’aéroport ou la gare ! 
  • Idem pour Lausanne, qui propose sa “Transport Card & More”. Cette carte personnelle est délivrée à chaque visiteur par l’établissement d’hébergement lors de son arrivée sur son lieu de séjour. 
  • D’autres villes pratiquent ce pass permettant de se déplacer gratuitement et de manière illimité sur le territoire, à l’image de Bern. A mon arrivée au camping, il m’a été précisé que je pouvais télécharger l’application Bern Welcome afin d’y entrer mon numéro de réservation, et d’activer mon “Bern Ticket”. En effet, dès la première nuit passée dans un établissement d’hébergement de la ville, on a accès à ce fameux Bern Ticket et donc à la libre circulation dans les zones 100/101 de la communauté tarifaire Libero. C’est donc un autre modus operandi (qui au passage fait la promotion de l’application de la ville) mais une même finalité : la possibilité de se passer totalement de sa voiture sur place. Le fait que les réseaux soient accessibles sans portiques et autres barrières colle parfaitement à la logique de pass, et facilite grandement la vie des touristes. 

Je profite de ce sujet sur la tarification pour opérer une clarification essentielle. Prendre les transports publics en Suisse a un coût, plutôt élevé. Mais les Suisses bénéficient de tarifications très avantageuses dans leur quotidien. En effet, l’horaire cadencé a été accompagné d’une politique commerciale avec le lancement de l’abonnement à demi-tarif, ou encore de l’AG (abonnement général, aux alentours de 4.000€ par an, avec voyages illimités). Sans ces abonnements, peu de gens prendraient le train. C’est sur ce modèle qu’a été créé le Swiss Travel Pass, associé quant à lui au public étranger. Mais allons plus loin dans la réflexion… Sur le plan économique, le cadencement vise à industrialiser la production d’un système à coûts fixes élevés pour en optimiser le niveau. Dans ces conditions, l’utilité du train ne se mesure pas vraiment par le taux de remplissage, puisque supprimer un train peu fréquenté ne provoquerait que des économies marginales : il y a donc intérêt à attirer des voyageurs dans ces trains par une politique tarifaire incitative. Ainsi, les billets à tarifs réduits, notamment vendus sur Internet, contribuent à augmenter les recettes sur des dessertes qui sont finalement à coût de production marginal.

Faciliter : les algorithmes à la rescousse des touristes ! 

Les Pass sont d’une grande aide, mais ils ne peuvent pas tout, et ne sont pas disponibles dans toutes les villes… Quand au Swiss Travel Pass, il a un coût ! C’est pourquoi, d’autres solutions sur mesure sont aussi utilisables par les touristes. 

D’un côté, les touristes, comme les habitants, peuvent bénéficier de la longue culture de la coordination et de l’intégration à la Suisse. En effet, même s’il existe plusieurs centaines d’opérateurs, et donc de nombreuses communautés tarifaires, pour celui ou celle qui visite le pays, pas de panique. En utilisant l’application des SBB-CFF, le choix du meilleur tarif se fera en faisant confiance aux algorithmes, beaucoup plus sympathiques que ceux de SNCF Connect. S’il faut enchaîner un train puis un bus et un télécabine, aucun souci, l’intégration se fera d’elle même, et le meilleur prix sera proposé. 

 

De l’autre, afin d’aller plus loin que cette intégration, un autre produit, cette fois-ci pas spécifiquement créé pour les touristes, est particulièrement efficace pour ces derniers. C’est l’option proposée par FAIRTIQ. Cette entreprise Suisse, désormais connue hors de ses frontières, propose un système de paiement simple mais redoutable : par un simple geste du doigt (swipe), le voyageur déclare lorsque son trajet débute, puis lorsqu’il prend fin. L’algorithme Fairtiq, associé à une base de données consolidée à l’échelle nationale, permet de proposer le meilleur tarif, quand bien même le trajet est multimodal, et une facturation en post paiement des plus simple et efficace. 

Le système est disponible au sein de l’application SBB-CFF sous le nom “EasyRide” et offre une alternative très impressionnante pour les touristes qui utiliseraient les réseaux de transports publics de manière ponctuelle et/ou non planifiée. Le dispositif est efficace, la tarification transparente, la facturation rapide. Résultat : au total, 80 000 voyageurs l’utilisent chaque jour pour acheter leur billet sur leur téléphone portable. C’est deux fois plus qu’il y a un an.

Et ça n’est pas tout. La fonction Easyride devrait évoluer prochainement.

D’une part, parce qu’elle est à la fois appréciée mais aussi détestée. Détestée, parce que les CFF ont un seuil de tolérance assez limité concernant les contrevenants… Celui ou celle qui achète son billet via l’app CFF une minute après le départ du train se voit infliger une amende ! De nouvelles solutions sont donc nécessaires… D’autre part, la collaboration avec le fournisseur Fairtiq, qui exploite l’application, arrive à échéance. Les CFF ont lancé un nouvel appel d’offres pour un contrat de plusieurs millions de francs suisses. A la lecture du cahier des charges, on peut entre apercevoir que la fonction la plus importante sera un système qui enregistre la présence des passagers dans le véhicule sans qu’ils aient à intervenir. Autrement dit, cela signifie que l’enregistrement fastidieux avant le début du trajet et le check-out à destination – qui est également souvent oublié – seront supprimés. Les clients monteront donc dans le train, le bus ou le car postal sans avoir à s’en occuper. Le système reconnaîtra automatiquement quand commence un trajet et quand il se termine. Le système pourrait en outre être utilisé pour informer directement et donc plus rapidement les voyageurs des perturbations et des retards. Cela permettra de les orienter vers des itinéraires alternatifs. Il devrait aussi être possible d’intégrer des offres pour effectuer les derniers kilomètres non desservis, avec, par exemple, des scooters électriques ou du covoiturage.

Packager : le cas du Grand Train Tour 

Informer – tarifer – faciliter. Ce sont trois leviers parmi les plus efficaces pour promouvoir l’accès à une offre de transport, qui plus est lorsqu’elle ci est de qualité. Mais les Suisses vont au-delà. Afin justement de capitaliser sur cette offre, et d’en faire un produit attractif pour les touristes, ils produisent des packages spécifiques, dont le plus connu est vraisemblablement le Grand Train Tour. 

Le Grand Train Tour, c’est 1280 km de voies ferrées, 8 tronçons, 11 grands lacs, 5 sites classés Unesco, le tout packagé au sein plusieurs solutions touristiques.

Explorer les tronçons un par un et faire son propre itinéraire. Opter pour des circuits pour lesquels les équipes de Swiss Travel System SA ont parfaitement et subtilement marketé des offres train/bateau/car/Hotel facilement réservables en ligne sur le site du tour operator STC. Là encore, ne regardez pas la somme demandée à la fin de la réservation, ce qui nous intéresse ici c’est bien le processus 😉 

Évidemment, toute cette offre est disponible sur une application dédiée, qui est capable de vous localiser, vous proposer des tips en temps réel, et même vous avertir des hotspots à regarder par la fenêtre du train au bon moment ! 

Le Grand Train Tour est un des produits packagés et marketés par Swiss Travel System, sur sa plate forme commerciale https://www.travelswitzerland.com/en/ Il existe également toute une offre autour des trains panoramiques, des excursions en montagne etc. A ces offres sont associées des possibilités d’emport et de gestion spécifiques des bagages, des vélos, des poussettes. Des possibilités de tamponner ses différentes étapes font aussi partie du “trip” avec un livret disponible dans toutes les grandes gares, à moins d’utiliser le dispositif intégré dans l’application. 

Episode n°3 – Parce que chaque mode est concerné

Le système de mobilité suisse, je l’ai déjà évoqué, est dense, puissant, et très attractif. Mais cela reste un réseau d’abord créé pour les habitants. C’est logique. C’est pour cela qu’au delà de la promotion de ce dernier, la Suisse a aussi mis en tourisme une grande partie de son offre de mobilité, en créant parfois même des offres spécifiques qui font désormais la fierté du pays tout entier. Ainsi, presque chaque mode de transport possède son “pendant touristique”. Le tout très bien intégré au réseau régulier. 

Le train en mode premium 

Je pense avoir été clair sur le statut du transport ferroviaire dans le succès de l’offre de transport suisse, avec un véritable rôle de colonne vertébrale. D’un point de vue touristique, cela va beaucoup plus loin. D’une part, il est effectivement possible de compter sur une offre présente dans des lieux que l’on n’imaginait même pas. Le train grimpe – parfois à l’aide d’une crémaillère – il atteint des endroits reculés, perchés, lointains, pittoresques. Des lieux ou l’on n’imaginerait même pas une offre de TAD en France. Mais le train est aussi un objet touristique en lui-même « le voyage est aussi enchanteur que la destination ». Et à ce jeu, les trains panoramiques sont les rois. Parce que oui, le matériel roulant, ça compte. S’installer dans une rame totalement vitrée, et pouvoir observer un lac par la vitre de droite, la montagne par celle du dessus, ou encore des skieurs sur la fenêtre opposée, cela fait du train non seulement un moyen de se déplacer, mais surtout de découvrir un territoire dans des conditions bluffantes. Ainsi, le trajet devient un objet touristique et une destination en soi, un objectif, une finalité. C’est vraiment en cela que les trains panoramiques suisses sont stupéfiants.

D’ailleurs, il faut aussi noter l’adaptation du matériel roulant à cet usage touristique : espaces pour les skis, les bagages, ou encore les vélos, mais aussi présence régulière de cartes touristiques à même les tablettes, permettant de se situer au fur et à mesure de son trajet. 

On pourrait aussi parler des trains historiques, exploités toute l’année pour certains, ou lors d’évènements spécifiques pour d’autres. Les trains thématiques aussi, autour du chocolat, du fromage ou du folklore en montagne. 

Et puis ici, les trains touristiques ont un nom : les plus connus sont le Bernina Express, le Glacier Express, ou encore le Gothard Panorama Express. Parce que ce sont de véritables expériences que proposent les différents opérateurs présents sur ce segment. Seul point négatif : ces offres ne sont pas encore aussi bien intégrées que le transport régulier. Cela signifie que l’information n’est pas toujours efficiente, pas si souvent en temps réel et que la tarification est bien souvent spécifique. Ainsi, il n’est pas rare de devoir payer en sus de son Swiss Travel Pass pour accéder à certains trains… un peu paradoxal.

Le bateau, une place à part 

Au-delà du train, qui a une place cruciale dans le “Swiss Travel System”, le bateau est aussi un mode de découverte particulièrement prisé, et apprécié aussi par les locaux. Assez logique lorsque l’on sait que le pays compte presque 1 500 lacs, dont environ 180 de plus de 10 hectares (plus vaste que la place de Concorde). 

Prenons le cas de CGN, qui m’a fait le plaisir de m’inviter sur un de ses bateaux Belle Epoque. Tout comme pour le train, cette entreprise historique du Lac Léman opère des liaisons régulières, qui assuraient l’an dernier 71% de leur fréquentation (2,1 des 2,7 millions de voyageurs). Avec des fréquences allant de 45 minutes à 1h10, l’offre est dense et répond aux besoins de navetteurs qui viennent d’Evian, Thonon ou encore font la navette Nyon-Yvoire. Ces derniers peuvent sans difficulté utiliser le Swiss Pass à bord. L’opérateur investit également dans de nouveaux bateaux, aux capacités renforcées et à l’efficience énergétique optimisée (NaviExpress) et va bientôt lancer une ligne N4, (financée par un établissement bancaire). Mais revenons au tourisme… Au sein de son offre régulière, hors pointe, l’opérateur tente d’attirer des publics se déplaçant pour des motifs de loisirs et/ou touristique. La CGN propose donc de nombreuses croisières et expériences spécifiques pour les visiteurs. Et pour cela, elle peut compter sur sa prestigieuse flotte Belle Époque, surement la plus connue au monde. Elle s’est fixée pour mission de conserver ce patrimoine unique et s’efforce de rénover et de préserver ces unités au plus proche de leur aspect d’origine, via de grands mécènes qui financent cette dynamique. 

Au-delà de la CGN et du Lac Leman, de très nombreuses offres lacustres sont proposées aux touristes à l’échelle du pays. Certaines sont intégrées dans le Grand Train Tour, et bien souvent accessibles via le Swiss Travel Pass. Certaines permettent aussi l’utilisation de FairTiq, que j’évoquais en amont. La plupart des offres sont intégrées dans l”application SBB-CFF, en termes d’information voyageurs mais aussi de possibilités de réserver directement son billet. C’est donc encore une fois avec une grande facilité qu’il est possible d’utiliser le bateau, y compris dans une logique multimodale. 

L’accès aux sommets 

Ils s’appellent Glacier 3000, Gornergrat, Jungfraujoch, Rigi, Schilthorn, Brienz Rothorn Railway, CabriO Stanserhorn, Matterhorn Glacier Paradise, Sunnegga, Zermatt et j’en passe. Ces sommets sont tous desservis par des remontées mécaniques. Et en Suisse, il y en a pour tous les goûts : que ce soit au sol, avec téléski, funiculaire, chemin de fer à crémaillère ou encore téléphériques, télécabines et télésièges.

Les premiers funiculaires datent du 19ème, mais c’est ensuite l’essor du ski dans les Alpes qui a entraîné la construction de nombreuses remontées mécaniques. À l’heure actuelle, 2400 installations sont exploitées à travers le pays. L’Office Fédéral du Transport répond des quelque 650 installations qui bénéficient d’une concession fédérale. Les cantons, quant à eux, se chargent des téléskis, des petits téléphériques (capacité de transport maximale de 8 personnes par direction) et des installations à câbles sans transport commercial de voyageurs.

Là encore, ce qui est remarquable, c’est que ces remontées mécaniques sont pour la plupart intégrées dans l’information voyageurs multimodale, que ce soit en termes de géolocalisation mais aussi d’information voyageurs (prochains départ, calcul d’itinéraires). Ainsi, même en utilisant l’application SBB-CFF, il est possible de planifier un trajet qui fait appel à une remontée mécanique. Il est parfois également possible de réserver son titre de transport via l’app. En back office, tout cela est possible grâce à un travail d’homogénéisation et de standardisation en termes d’information. J’aborde spécifiquement le sujet lors de la Masterclass. Tout comme pour le train, les sommets ont leurs stars. Prenons le Matterhorn. Le sommet possède son propre nom (Matterhorn Glacier Paraside), souvent leur propre site internet, et proposent des expériences touristiques dont la remontée mécanique fait partie intégrante. 

Enfin, sans aller jusqu’à des sommets à plus de 3000 m d’altitude, les remontées mécaniques, notamment urbaines, assurent un véritable complément à l’offre de mobilité classique, et sont également accessibles via l’application SBB-CFF, en toute simplicité. 

Une place de choix pour les mobilités douces 

Marcher, c’est la base de la mobilité. C’est pourtant bien souvent un mode de déplacement délaissé dans les politiques publiques de mobilité. Mais en Suisse, des efforts considérables sont réalisés pour mieux intégrer ce mode de déplacement, que ce soit dans une dynamique liée à l’intermodalité (passer d’un mode à l’autre) ou tout simplement de balade, avec l’idée de mieux intégrer marche, randonnée et transports publics. 

Je l’ai déjà évoqué en abordant la question de l’information voyageurs, la Suisse propose une signalétique bien pensée mais surtout harmonisée pour l’ensemble des modes de déplacements, un vrai gage de réassurance pour les touristes. Mais en ce qui concerne la marche et le vélo, je pourrais ajouter le ski ou tout autre sport d’hiver, c’est aussi le jalonnement qui est particulièrement stratégique pour évoluer en toute sérénité. Et dans ce domaine la Suisse excelle. 

D’un côté, il y a tout le travail réalisé par Suisse Rando (j’y reviens plus tard). Elle jalonne les infrastructures pédestres, produit des manuels et référentiels pour homogénéiser les pratiques et assurer un même traitement sur l’ensemble des territoires et enfin, sur mandat de Swisstopo, coordonne et relève les géodonnées de base des chemins de randonnée pédestre notamment pour participer à la démarche mobilité douce. 

De l’autre, il y a l’énorme dynamique engagée par Suisse Mobile. Ce réseau destiné à la mobilité douce pour les loisirs et le tourisme sélectionne le meilleur des itinéraires nationaux, régionaux et locaux, pour chacune des formes de mobilité. Les offres comprennent, pour l’été, «La Suisse à pied », « La Suisse à VTT », « La Suisse en rollers » et « La Suisse en canoë » ainsi que, pour l’hiver, des randonnées hivernales et en raquettes ainsi que des pistes de ski de fond et de luge. Mais Suisse Mobile c’est surtout une application star ! Cette dernière est en réalité une digitalisation de tout le travail réalisé par Suisse Mobile, les 110 000 photos qui permettent de planifier au mieux son trajet, et une précision cartographique remarquable. 

Enfin, il y a l’énorme boulot réalisé par l’Office Fédéral de la Topographie. Ce dernier a notamment créé l’application SwissTopo, qui reprend une grande partie des données et fonctionnalités de Suisse Mobile, mais augmentées d’une fonction de routing (marche et transports publics). 

Ces applications sont remarquables, parce que chacune dotées d’une UX bien pensée, mais surtout parce que basées sur des données très qualitatives, actualisées et bien coordonnées. Je l’aborde plus loin. 

Toujours dans cette volonté de promouvoir les mobilités douces, certains territoires ont décidé d’aller encore plus loin à l’image de Zermatt. La station très exclusive et très prisée par une clientèle très huppée a fait le choix il y a déjà de nombreuses années de supprimer totalement la voiture au profit de cheminements piétons ainsi que de petits véhicules 100% électriques qui assurent la desserte des hotspots et différents hébergements. Ainsi, les touristes souhaitant se rendre dans la ville mais aussi au bas des sommets doivent d’abord emprunter le train depuis Tash, ou de très vastes parkings relais (2100 places au sein du terminal + 1000 places privées) sont mis à disposition (ne rêvez pas, ils sont loin d‘être gratuits). A partir de ces derniers, le Zermatt Shuttle assure la desserte toutes les 20 minutes vers la station. Le train panoramique ne met que 12 minutes pour atteindre cette dernière. Une fois à la gare arrivée, de très nombreuses petites voitures du constructeur STIMBO assurent le dernier km ! Quelque 500 voitures électriques sont homologuées dans le village, dont 40 taxis. Là encore ne rêvez pas, c’est loin d’être gratuit (d’ailleurs un véhicule coûte plus de 60.000 francs suisses). Et si votre hôtel de luxe propose le service de navette, il suffit de passer un petit coup de fil à l’arrivée, tout simplement !

Episode n°4 – Une gestion et une coordination incarnées

En façade, la dynamique de mobilité touristique Suisse apparaît comme redoutablement efficace. C’est parce qu’en coulisses, de nombreuses structures assurent production, coordination et promotion du “Swiss Travel System”. Le résultat est donc le fruit d’un travail de fond, débuté il y a plusieurs dizaines d’années, de financements conséquences, et d’une culture du collectif et du participatif.  Pour le dire autrement, les Suisses définissent le succès d’un projet dans sa dimension collective et de durabilité. C’est ce qui fait en partie le succès de cette approche qui associe mobilité et tourisme.

Promouvoir la mobilité touristique durable partout  : Swiss Travel System 

Un des éléments qui surprend en analysant la politique qui lie mobilité et tourisme en Suisse c’est que le transport public est utilisé comme un facteur d’attractivité touristique. La baseline pourrait être “venez chez nous, vous n’aurez jamais de galère pour vous déplacer”. Et ce message c’est une structure bien spécifique qui le diffuse : Swiss Travel System SA. 

Bien que créée en 2011, cette structure hérite d’un historique qu’il convient de rappeler pour bien comprendre son rôle. J’ai eu la chance de m’entretenir avec le CEO, Maurus Lauber, pour mieux comprendre. Il a tenu à rembobiner jusqu’au 19ème siècle. [J’évoque ce point en détails lors de la Masterclass].

Swiss Travel System SA (STS SA) est donc le nom de la société de marketing (basée à Zurich) qui a été créée en 2011. Son objectif est simple : faire en sorte que tous les hôtes étrangers voyagent en Suisse en train, en bus et en bateau. Comme le dit Maurus Lauber, STS SA est une structure agile.

C’est en quelque sorte “la grande sœur qui prend soin des autres”.

Ainsi, elle chapote la promotion de l’offre de transport de 250 compagnies dans le monde. [J’évoque ce point en détails lors de la Masterclass]. S’il y a un chiffre à retenir : en 2011 STS SA générait 60.000 francs suisses de revenus. Aujourd’hui, ce sont 380 millions ! 

STS SA assure la promotion du transport public suisse, en train, car et bateau. Mais elle a aussi pour mission le pilotage de produits spécifiques. D’un côté, le Swiss Travel Pass, que j’évoquais dans l’épisode n°2. Pour la première fois en 2023, il s’est vendu à 1 million d’exemplaires, un record. De l’autre, le pilotage du Grand Train Tour, que j’évoquais dans l’épisode n°3. Elle promeut également les lignes panoramiques (majoritairement en train) 

Pour piloter ces produits spécifiques, mais aussi de manière générale dans ses tâches au quotidien, STS SA collabore avec de nombreux organismes, qui touchent de près ou de loin le domaine de la mobilité touristique. Je reviens dans le paragraphe suivant sur les cas spécifiques de Suisse Alliance, Suisse Mobile, Suisse Topo ou encore Suisse Rando. Avant cela, il convient également de revenir sur l’imbrication des marques et structures spécifiques au tourisme : 

  • Suisse Tourisme / Switzerland Tourism (ST) : c’est l’entité nationale chargée de la promotion touristique en Suisse 
  • (my)Switzerland : il s’agit de la marque commerciale et du site associé, pilotés par ST. 
  • Swiss Travel System : c’est la dynamique qui consiste à faire du trio train/bateau/bus la meilleure solution pour découvrir la suisse 
  • Swiss Travel System AG  (STS AG) : c’est la société de marketing qui fait la promotion de cette dynamique, 
  • Swiss Travel Pass : c’est le pass regroupant transports et activités touristiques, 
  • Travel Switzerland : il s’agit de la marque et du site associé pour la promotion des transports publics dans le cadre touristique. 
  • Swiss Travel Center (STC) : c’est le tour opérateur officiel le plus important de suisse. Il assure la vente en ligne des hôtels, transports et activités. 

A l’été 2024, le Swiss Travel System a reçu un coup de polish afin de le rendre plus lisible. Ce toilettage a abouti à la marque “Travel Switzerland”, qui crée un lien plus direct et plus lisible avec l’identité Switzerland.

Simplifier la complexité des transports (Swiss Alliance)

Maurus Lauber l’a rappelé  « sans l’Alliance Swiss Pass, les choses seraient beaucoup plus compliquées en Suisse… d’autant plus pour les touristes. C’est évident qu’avec 20 communautés tarifaires et plus de 250 opérateurs (+200 liés aux remontées mécaniques), il serait très compliqué pour les touristes d’utiliser le système de transport vanté par STS. Helmut Eichhorn ne dément pas !

J’ai effectivement eu l’occasion de m’entretenir avec le Directeur Général de l’Alliance Swiss Pass, qui est revenu sur le pourquoi et le comment de cette dynamique primordiale en Suisse. Premier élément à retenir :

La collaboration est clé. Sans elle, aucun projet d’intégration ne serait possible. 

L’Alliance SwissPass est l’organisation de la branche des transports publics qui réunit 250 entreprises de transport et 20 communautés. Elle s’engage dans toute la Suisse pour des dispositions tarifaires harmonisées, compréhensibles et rentables, des solutions de distribution modernes et attrayantes ainsi que des assortiments et systèmes d’information axés sur la clientèle.

 

Concernant l’information voyageurs, le résultat actuel résulte d’une conviction de plus de 20 ans sur la standardisation. A la base sur les pictogrammes, le nommage des quais, l’accessibilité etc… A cette conviction ont progressivement été ajoutées des couches légales. Puis au fur et à mesure des réflexions sur les systèmes numériques, c’est le souci d’efficacité qui a permis d’aboutir à la situation actuelle. Les plateformes d’échange de données ont été uniformisées et harmonisées au niveau régional, puis national, et c’est pour cela qu’aujourd’hui beaucoup d’éléments peuvent communiquer. [J’évoque ce point en détails lors de la Masterclass].

Concernant la tarification, les modalités sont très simples à l’échelle du pays. Quelques points à retenir. La base est le coût kilométrique, avec une déclinaison en barème kilométrique national puis des zones locales. Il n’y a pas de tarifs suivant le principe du Yield Management, ni tarification solidaire ou réduite, c’est donc plutôt simple. Il y a pas de réservation, y compris pour les grandes lignes ferroviaires. Enfin, il existe des “packages” : le demi tarif annuel ou l’AG (abonnement annuel illimité à tous les réseaux) pour les habitants, et les tarifications packagées associées au Swiss Travel Pass pour les touristes. Lorsque l’application du barème kilométrique entraîne des difficultés dans l’appréhension de l’offre pour les usagers, l’application CFF/SBB prend le relais pour simplifier le parcours en front. 

Les modalités d’accès sont aussi les plus simples possibles. Il n’y a jamais de vente à bord. Les distributeurs de billets sont très largement déployés. Une carte nationale permet d’héberger tous les titres : ça s’appelle le Swiss Pass pour les habitants, et le Swiss Travel Pass pour les touristes. Une application nationale, celle des SBB-CFF permet l’achat d’une très grande variété de titres. Il n’y a pas de validation pour les abonnements et titres dématérialisés et un accès ouvert aux réseaux TC (pas de portiques). Enfin, et c’est important de le rappeler, les voyageurs n’utilisent qu’un seul titre de transport pour leurs voyages même ceux impliquant plusieurs exploitants : 1 trajet = 1 voyage = 1 billet = 1 tarif.

Tout cela est possible parce qu’en arrière boutique, Alliance Swiss Pass gère une plate-forme nationale baptisée Nova (financée par les opérateurs, basée sur un cadre législatif). [J’évoque ce point en détails lors de la Masterclass].

Assurer l’accès aux modes doux (SM, SR, ST)

On le comprend bien, derrière chaque succès, il y a bien souvent une structure qui réalise un travail remarquable. Le collectif joue beaucoup en Suisse. Il en va de même pour la promotion des mobilités douces, compléments essentiels des transports publics pour les publics de touristes et visiteurs. Et dans le domaine, trois structures jouent un rôle clé. Elles travaillent d’ailleurs régulièrement ensemble. Commençons par la plus visible et surement la plus connue des touristes. 

SuisseMobile est un réseau destiné à la mobilité douce pour les loisirs et le tourisme. Il sélectionne le meilleur des itinéraires nationaux, régionaux et locaux, pour chacune des formes de mobilité. La fondation SuisseMobile, avec la Confédération, les cantons, la Principauté du Liechtenstein et les organisations concernées, coordonne la sélection « best of » des itinéraires de SuisseMobile. Les offres comprennent, pour l’été, «La Suisse à pied », « La Suisse à VTT », « La Suisse en rollers » et « La Suisse en canoë » ainsi que, pour l’hiver, des randonnées hivernales et en raquettes ainsi que des pistes de ski de fond et de luge. Tous les itinéraires de SuisseMobile sont consolidés par les services cantonaux de mobilité douce.. Son travail peut être illustré par quelques chiffres : 858 itinéraires pour l’été, 650 pour l’hiver, 200 000 indicateurs de direction, 503 info points. C’est aussi 110 000 photos associées aux itinéraires, 1500 descriptifs d’itinéraires etc… C’est, je l’ai déjà indiqué, une application très puissante. La fondation SuisseMobile est reconnue par l’Office fédéral des routes (OFROU) en tant qu’organisation spécialisée pour le vélo (y compris le VTT) dans les loisirs et le tourisme. Les autres formes de mobilité douce sont traitées avec les organisations spécialisées correspondantes. Les dépenses de la fondation sont financées selon un modèle de partenariat public-privé par des contributions de la Confédération, de la Principauté du Liechtenstein et des cantons, d’organisations de droit public et privées et de personnes morales et physiques. [J’évoque ce point en détails lors de la Masterclass].

Il y a également SwissTopo, pas très loin en termes d’ADN. L’Office fédéral de topographie swisstopo « mesure » la Suisse. Il relève et documente le paysage et le sous-sol et met à disposition des données géospatiales de haute qualité. Les produits notables sont les modèles altimétriques et du territoire, les photos aériennes, les orthophotos, les données et cartes géologiques, les données de référence et les cartes nationales. L’office propose sa propre application “SwissTopo”. Elle contient toutes les cartes nationales de l’échelle 1:10’000 à 1:1million, des images aériennes, des cartes aéronautiques et des cartes historiques couvrant toute la Suisse. Les cartes ont été complétées par de nombreuses informations sur les transports publics, la randonnée, le cyclisme, les sports de neige et l’aviation. En fonction des intérêts, les thèmes et contenus souhaités peuvent être ajoutés à la carte de fond, notamment les transports publics. L’application contient également les chemins officiels de SuisseMobile et de Suisse Rando. A noter l’existence de la Base Map, qui constitue un complément aux cartes nationales disponibles dans swisstopo. Elle combine les données de swisstopo avec celles de partenaires. Ainsi,  les info en temps réel ou de contact sont directement accessibles depuis les POI sur la carte. 

Justement, Suisse Rando, parlons-en ! C’est l’association faîtière de la randonnée pédestre, qui planifie et assure la qualité de l’infrastructure sur mandat de l’Office fédéral des routes (OFROU), le tout en respectant les règles édictées dans la constitution fédérale. Suisse Rando peut compter sur les 2000 bénévoles des 26 associations cantonales de tourisme pédestre, ainsi que des 92 000 donateurs et donatrices et entreprises qui financent le dispositif. In fine, ce sont plus de 65 000 km de chemins de rando qui sont jalonnés par 50000 panneaux indicateurs de direction. L’association met aussi à disposition des manuels et référentiels pour homogénéiser les pratiques et assurer un même traitement sur l’ensemble des territoires. Enfin, sur mandat de Swisstopo, Swiss Rando coordonne et relève les géodonnées de base des chemins de randonnée pédestre. En outre, elle soutient l’introduction de l’application métier pour la mobilité douce.  [J’évoque ce point en détails lors de la Masterclass].

Autour d’une “Swiss-Tainable” 

La Suisse souhaite se positionner comme championne des destinations durables à l’échelle mondiale. Pour cela, les efforts réalisés dans le domaine du transport public doivent également être réalisés dans toutes les autres thématiques de la branche. 

Pour cela, le programme Swisstainable a été créé en 2021 par Suisse Tourisme, la Haute-école de Lucerne et le secteur suisse du tourisme. L’idée ? En tant que programme de durabilité «de la branche pour la branche», il aide les établissements touristiques à mettre en œuvre la durabilité dans la pratique. Il n’est pas une certification en soit, mais renvoie aux certifications de durabilité nationales et internationales existantes. L’objectif est bel et bien d’impulser un mouvement d’envergure nationale pour inciter tous les prestataires à s’engager en matière de développement durable. En Avril 2023, le programme destiné à tous les prestataires touristiques a été élargi pour s’ouvrir aux destinations touristiques sous le nom de «Swisstainable Destination». Le passage à l’échelle des destinations permet désormais à ces dernières de participer au programme de durabilité national dans le cadre de leur périmètre d’action. A l’été 2024, plus de 1850 entreprises avaient déjà adhéré au programme.

Afin de promouvoir le programme sur le terrain, une campagne est lancée chaque année. A l’été 2023, elle était baptisée “Swisstainable sur la bonne voie”. Elle fait la promotion de l’offre touristique estivale suisse combinée à l’excellence des transports publics. 

En 2024, toute la campagne est basée sur le principe « Swisstainable signifie que vous profitez de vos vacances. Et nous les rendons durables ». Il est très intéressant d’observer que dans cette campagne, ça n’est pas au touriste de se préoccuper de l’aspect durable de son voyage, mais à la Suisse, hôte, de s’occuper de tout. C’est ce que l’on retrouve dans la campagne de sensibilisation, les 13 propositions de voyage ou encore les vidéos de promotion : Case Film: Pool (DE), Togetherness (FR), Family (IT), Party (EN)

Et concrètement, dans les transports ? CarPostal fait partie du programme Swistainable en niveau II. Les SBB/CFF, Swisstainable niveau III ! C’est plutôt bon signe. 

Et après ? Tentative de conclusion. 

Le tourisme est un secteur très important en Suisse, et les chiffres le confirment : avec plus de 41 millions de nuitées en 2023, 43 milliards de recettes, le pays bat des records. C’est pour cette raison que les gouvernements successifs en ont toujours fait un secteur d’excellence, et tentent de promouvoir cette image à l’étranger. 

Au sein de cette dynamique époustouflante, la mobilité n’est finalement qu’un ingrédient. Mais un ingrédient absolument fondamental car différenciant. En effet, de nombreux autres pays dans le monde peuvent se vanter d’avoir des hôtels toujours plus luxueux, des expériences touristiques incroyables, ou encore les plus gros hubs aéroportuaires. Mais très peu peuvent sincèrement se vanter de posséder un réseau de transport public aussi maillé, dense et performant. Et “dans le monde de 2024”, c’est un point absolument crucial. C’est bien pour cette raison que le pays pousse un marketing très puissant sur le sujet, avec des outils comme STS. C’est pour cela aussi qu’il met en avant les opérateurs ferroviaires, au premier rang desquels les chemins de fer fédéraux (CFF/SBB). C’est également dans cette logique qu’il assure la pérennité de dispositifs comme Suisse Mobile, Suisse Rando, ou de dynamiques comme le Swiss Pass Travel. 

Alors bien sûr, tout n’est pas rose chez nos voisins suisses. Une grande partie des touristes arrivent de l’extérieur… et pas tout près… Là aussi, les chiffres ne mentent pas : la montée en puissance du trafic en provenance des pays asiatiques est impressionnante. Alors c’est sûr, le mode d’arrivée n’en est que… moins durable. Les initiatives écologiques comme le “sans voiture” de Zermatt ne doivent pas cacher l’autre réalité : les nombreux SUV de 2,5t stationnés au parking relais en amont de la station, ou encore les privilégiés arrivant en hélicoptère. C’est aussi cela le paradoxe de la Suisse. Mais au moins, on peut se dire que cette nation fait tout pour que les visiteurs puissent sincèrement se déplacer à l’échelle de son territoire sans toucher à une voiture. C’est une promesse sincère, car associée à un service extraordinaire. 

Ce service, qu’il soit ferroviaire, en autobus ou en bateaux, il va aussi falloir à la Suisse des moyens très importants pour le maintenir et le faire évoluer pour absorber la croissance continue de la demande. Celle des habitants bien sûr, mais aussi des touristes. Parce que la problématique de la cohabitation entre les deux publics existe déjà. Oui, ici comme ailleurs.

 

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