Google, Uber, Booking, AirBnb, ils ont tous compris qu’offrir une expérience “porte à porte” intégrant la mobilité aux touristes urbains allait devenir un des prochains enjeux de leur développement. Chacun à leur manière, ils multiplient les nouvelles fonctionnalités en attendant le grand soir et “l’assistant de voyage parfait”. De son côté, la puissance publique tente de répondre, parfois d’accompagner ou encore de contrer ce phénomène. Au centre du jeu : la maîtrise de la stratégie numérique.
Public, privé, chacun sa stratégie
Les géants du numérique ont compris l’intérêt d’intégrer la mobilité urbaine dans leur stratégie et multiplient depuis peu les signes en ce sens. Google, après avoir fermé son service “Trips” a lancé son assistant de voyages “Travel”. Intégrant les fonctionnalités de Google Flight, ainsi que toute la puissance de Google Maps, il deviendra progressivement l’outil n°1 des touristes urbains. Booking de son côté a signé des partenariats avec deux géants du VTC : Grab et Didi. Progressivement, les entreprises de transport seront intégrées dans les services proposés par Booking.com, et les services d’hébergement seront disponibles depuis les applications de Grab et Didi. AirBnb n’est pas en reste, et vient de nommer Fred Reid comme directeur de la division transport… un signe ? Enfin, Uber met les bouchées doubles pour améliorer l’expérience de ses clients dans les aéroports et intègre progressivement de nouveaux modes de déplacement dans son app. Selon le dernier baromètre App Annie, ces 4 applications sont parmi les 10 plus téléchargées au monde… c’est dire l’impact que ces nouvelles fonctionnalités auront sur l’expérience des touristes. De son côté, la puissance publique s’est emparée du sujet de la mobilité touristique depuis quelques années, mais avec une approche centrée sur l’offre. Il n’y a qu’à se balader dans la plupart des capitales européennes pour apercevoir le panel de solutions mis à disposition des touristes : navettes aéroport-centre ville, autobus, vélos en libre service, trottinettes mais aussi tarifications spécifiques ou encore pass touristiques… Entre les offres qu’elles gèrent directement et celles qu’elles tentent de réguler (la dernière en date est celle des bus touristiques à Paris) les autorités parient également sur une potentiel de recettes supplémentaires pour financer leurs réseaux “classiques”.
Encore “de la perte en ligne”
Pourtant, malgré tous ces efforts et ces offres bien souvent pléthoriques, une fois dans la peau d’un touriste, on constate rapidement qu’il est très compliqué de s’en sortir dans cette “jungle urbaine”. Et la réalité est parfois cruelle. Le touriste qui arrive à Barcelone se rendra rapidement compte qu’il ne peut pas utiliser les vélos en libre service “Bicing”, réservés aux habitants. Celui qui débarque à Londres se verra refuser l’accès au bus s’il n’a pas d’abord acheté et chargé sa Oyster Card. Celui qui trouvera les transports très onéreux à Oslo se rendra compte surement trop tard qu’il existait un pass touristique donnant accès à tous les modes de transport de manière illimitée. Celui qui atterrit à Bordeaux verra sur Google Maps qu’il existe un bus urbain qui relie le centre ville en une heure, mais loupera surement la ligne express qui fait le même trajet en 30 minutes ! Et que dire du grand classique du touriste qui débarque à CDG ? quel quai devra-t-il emprunter pour prendre un RER vers Paris ? devra-t-il prendre le direct ? lequel des deux trains à quai partira en premier ? Tout cela sent le vécu ? C’est sans parler des différences de monnaies, d’habitudes de paiement ou encore basiquement de langue (ce dernier sujet est loin d’être anodin).
Le potentiel d’une stratégie intégrée
Mais rien n’est perdu. Une stratégie numérique intégrée pourrait améliorer la situation. Selon une étude Expedia/Egencia, “le smartphone est devenu l’outil le plus indispensable durant ses vacances”. Think Google enfonce le clou en affirmant que “70% des américains utilisent ce dernier en préparation puis durant leurs voyages”. Forts de ce constat, imaginons une intégration entre offre de mobilité et offre touristique. Le premier enjeu est celui de digitalisation de l’information voyageurs. La puissance publique a tout intérêt à jouer son rôle et à avancer sur quatre piliers majeurs : produire et gérer ses données de mobilité ; produire, maîtriser et enrichir son contenu touristique ; digitaliser les lieux de mobilité et enfin, analyser les usages. Elle pourra si elle dispose de moyens pour le faire, créer ses propres produits, comme c’est par exemple le cas de la RATP avec son application “Next Stop Paris”. Elle pourra sinon ouvrir ses données et compter sur les GAFAS pour utiliser leur techno et intégrer l’ensemble de ces éléments dans des app plébiscités par le grand public. Les exemples de bonnes pratiques ne manquent pas : le partenariat pour cartographier les gares en Indoor entre la SNCF et Google ; les partenariats entre plusieurs villes et la startup Géovélo pour créer des boucles urbaines à vélo pour les touristes ; l’accord entre Transport For London et l’application Go Jauntly pour pousser des itinéraires “marchables” à Londres ! Le second enjeu est celui de la facilitation dans l’achat et le paiement des titres de transports. A ce titre, ouvrir les vannes de la distribution et simplifier l’acte d’achat permettront à coup sûr de rendre la mobilité plus simple dans toutes les villes, pour tous les non résidents. Là aussi les exemples ne manquent pas, à l’image la navette de bus entre l’aéroport et le centre de Madrid, ou n’importe quelle carte bleue, grâce au sans contact, remplace son titre de transport !
Pour accompagner un phénomène touristique toujours plus important
L’enjeu est en tous cas de taille, parce qu’en 2018, plus d’1,4 milliards de touristes ont parcouru le monde (+5,4% par rapport 2017) avec une augmentation de presque 50% des escapades urbaines en 5 ans (chiffres de l’organisation mondiale du tourisme). Or, si ce phénomène est une bonne nouvelle pour les acteurs du secteur, il présente aussi de nombreuses externalités négatives. C’est un poids au quotidien pour les habitants des zones touristiques, de plus en plus nombreux à manifester contre le tourisme de masse. C’est aussi un impact nocif pour la planète, alors que 60% des touristes arrivent dans leur pays de destination en avion (une part en augmentation depuis 20 ans). Voilà pourquoi la mobilité des touristes une fois qu’ils posent le pied dans l’aéroport ou la gare de leur destination est un sujet crucial. Cette mobilité a un impact majeur sur l’expérience de voyage de ces derniers, mais représente surtout un potentiel très important pour réduire l’impact de leur présence sur les territoires.
Sont aussi disponibles en complément de ce post :
- l’article publié sur le site des Echos
- la présentation complète (Creative Commons)
- la conférence donnée lors des #ET15 :