Le vélo a besoin de carto(s)

Plus l’usage du vélo augmente, plus le besoin d’anticiper, de comprendre, et de choisir son itinéraire devient crucial. C’est pourquoi nous avons besoin de cartes… oui de cartes. Qu’elles s’appellent Géovélo, Komoot ou encore Google Maps, ces applications ne sont que des cartes que nous avons numérisées afin de pouvoir les utiliser sur nos téléphones dits “intelligents”. Mais pour que ces dernières puissent être réellement efficaces et pertinentes, il y a un travail amont très méticuleux qui permet notamment de révéler ces petites astuces que chaque cycliste adore avoir à sa disposition. Pour mieux comprendre ce dernier, j’ai enfourché un Brompton prêté par Géovélo, et je suis parti en immersion à Sant Joan Despi, en banlieue de Barcelone, avec son directeur des territoires, Benoit Grunberg pour aller “mapper  de la piste” ! Récit et anecdotes… 

Au delà du matériel 

Avant de monter sur le vélo, la première étape du “cyclo-mappeur” est plutôt douloureuse : elle consiste à sortir la carte bleue. Parce qu’avant de se lancer, il s’agit d’être équipé. Dans notre cas bien précis, il s’agissait de pouvoir cartographier les différentes infrastructures cyclables, mais aussi de réaliser des photos immersives à 360°. 

Coté données, nous avons utilisé l’application OSMAnd (gratuite et ouverte) afin de tracker nos déplacements, dans une double logique : se souvenir des tronçons que nous avions déjà réalisés, mais aussi fournir à nos clients un rapport sur les routes cartographiées. Afin de pouvoir comparer et améliorer la géolocalisation fournie par la caméra et les smartphones, nous avons également utilisé un GPS autonome.

Coté vues immersives, nous avons embarqué deux caméras Garmin permettant la prise de vues à 360°, géolocalisées, stabilisées et ce toutes les 10 secondes. Ce travail est gourmand en énergie, voila pourquoi il s’agit également de disposer d’un jeu de plusieurs batteries de secours. Nous en avons changé toutes les heures. Mais le jeu en vaut la chandelle, car ces vues immersives ont un triple intérêt : 

  • alimenter Mapillary, un service en ligne de partage de photos géolocalisées. Les images sont réutilisables sous licence CC-BY-SA, les données incluses dans les photographies sont utilisables dans OpenStreetMap et les traces GPX sont également utilisables sans restriction (licence ODbL). C’est donc tout bénéfice pour la communauté !
  • alimenter l’application Géovélo et améliorer la planification des trajets pour les cyclistes, 
  • permettre aux services techniques des villes ou encore aux équipes de Géovélo de travailler sur les données cyclables même lorsqu’ils ne peuvent pas se déplacer sur site. 

On le comprend, cartographier demande du matériel adapté et une bonne connaissance de l’environnement logiciel, mais n’est en réalité pas si complexe. 

La magie de l’humain 

Cartographier nécessite aussi et surtout beaucoup de précision et de patience. Parce que les infrastructures cyclables révèlent une certaine complexité, qu’il s’agit d’appréhender au plus près des territoires. Et c’est cela qui est particulièrement passionnant. 

Passionnant d’aller chercher des données précises sur les infrastructures réellement disponibles. Parce qu’à la différence d’un réseau de bus par exemple, ou les possibilités d’itinéraires sont finalement limitées à certain nombre de croisements de lignes administrées par un opérateurs et/ou une collectivité, un réseau cyclable offre des possibilités infinies en fonction du profil, de l’envie ou encore du matériel du cycliste. Ici, ça n’est pas la ligne qui vient coller à une infrastructure, mais plutôt l’infrastructure et sa configuration qui vont venir créer une “ligne virtuelle” pour l’utilisateur. C’est pourquoi il s’agit d’être précis, exhaustif et méticuleux dans la manière de cartographier le territoire. Pour le dire autrement, il s’agit d’évoluer dans le monde de la carto plutôt que dans celui de la pure data. 

Passionnant de capter des morceaux de traces qui feront la différence. Cette passerelle qui enjambe la voie ferrée et fait gagner 5 minutes sur son trajet. Ce petit raccourci par le jardin botanique qui transforme le déplacement contraint en balade choisie. Ce passage imperceptible sur Google Maps qui révèle des trésors architecturaux. Cet espace partagé qui est l’occasion de redécouvrir des quartiers en pleine gentrification. 

Un écosystème ouvert 

C’est surement le mélange entre une bonne préparation, du matériel adapté, des outils digitaux puissants et un travail méticuleux à posteriori qui permettra d’alimenter de bons calculateurs d’itinéraires vélo. Parce que si cette première étape de production de données géographiques (et de leurs métadonnées) est primordiale, il s’agit par la suite d’user clavier et souris si l’on veut “boucler la boucle”. 

Récupérer les photos immersives et les verser dans Mapillary, récupérer les traces GPX , les comparer avec OpenStreetMap, compiler, enrichir, renseigner, vérifier, intégrer… Ces étapes sont essentielles si l’on souhaite qu’un algorithme puisse faire correctement son travail. C’est lourd et chronophage mais nécessaire. A ce titre, le travail récent mené par Transport.data.gouv et Vélo & Territoires pour la création d’un standard de données vélo est une avancée considérable. Avec la publication officielle de ce schéma de données, OpenStreetMap s’impose comme la base de données de référence en ce qui concerne la qualité et la facilité d’accès aux informations sur les aménagements cyclables. 

C’est justement OSM que Géovélo a choisi pour verser l’intégralité de ses données. Alors une fois ses données présentes sur OSM, il s’agit pour la PME de suivre de près l’ensemble des modifications potentiellement opérées par la communauté, mais aussi de mettre à jour les éventuelles nouvelles infrastructures créées par la collectivité. Démarre alors un travail de coopération, qui peut prendre de très multiples formes… encore une intervention humaine ! 

In fine, est-ce que tout un chacun pourrait se lancer dans la digitalisation des infrastructures cyclables ? Je ne suis pas sur que ça aurait du sens, mais pourquoi pas. Au-delà, il s’agit aussi et surtout de réfléchir à un écosystème, fait de coopérations, de complémentarité et adapté à chaque projet/territoire. Il s’agit de réfléchir au rôle des producteurs, des communautés et des ré-utilisateurs. De manière très similaire à ce qui se passe du côté des transports collectifs, il est primordial de poursuivre la réflexion sur un standard de données, d’accompagner les producteurs avec des outils de saisie adaptés, de former les collectivités publiques pour cartographier, vérifier et mettre à jour leurs données sur OSM et enfin, de bien comprendre les besoins des ré-utilisateurs (comme Géovélo par exemple). Le plus important n’est pas de savoir qui va aller enfourcher son vélo pour cartographier un territoire, mais plutôt de savoir pourquoi il le fait, et à quoi serviront les données produites. 

J’allais oublier. Merci mille fois à Força en Acció pour avoir réparé gratuitement le frein arrière de mon Brompton, qui avait décidé de me lâcher en plein job. Ce petit magasin posté en bordure d’une piste cyclable qui traverse le centre d’est en ouest est une pépite comme je les aime. Et bravo à la municipalité de Sant Joan Despi, qui a développé un réseau d’infrastructures cyclables franchement étonnant pour une commune de cette taille. 

 

You May Also Like