Amérique : Montréal piétonnise en mode estival

Il y a encore quelques années, lorsque vous discutiez avec un habitant de Montréal, il vous expliquait, parfois un peu excédé, que Montréal était la ville aux trois saisons : les travaux, l’hiver, et les travaux. Mais ce proverbe est aujourd’hui obsolète (heu les travaux sont encore là, hein!). Il faut désormais aussi compter sur la saison de la piétonisation… En effet, depuis l’an dernier, la municipalité accompagne l’arrivée des beaux jours par une fermeture aux flux automobiles de 10 artères du centre ville. Même si cette dernière est provisoire, elle marque très certainement les esprits et qui sait, prépare peut être une suite plus pérenne. En attendant de le savoir, je vous embarque à la découverte de quelques aménagements emblématiques. 

Déambuler sur les avenues piétonnisées 

L’Avenue du Mont Royal fait partie des quelques artères principales qu’il est utile de connaître à Montréal pour bien maîtriser le « quadrillage » local. Il sera aussi utile à celles et ceux qui souhaitent se déplacer autour de cette dernière de se souvenir qu’elle est piétonnisée entre Saint Laurent et Fullum du 5 Juin au 8 Septembre… soit tout de même plus de 3 mois pleins. Au programme, restauration, cafés en tous genres, stands de boutiques… le tout joliment accompagné de mobilier urbain et de verdure.

L’Avenue Mont Royal n’est pas la seule rue à bénéficier d’un lifting estival. Pour la saison estivale 2022, le tronçon de l’Avenue Bernard (proche du quartier aux belles demeures victoriennes d’Outremont) – entre la ruelle située à l’est de l’avenue Wiseman et l’avenue Bloomfield – est fermé à la circulation automobile et piétonnisé de nouveau. Comme l’année passée, des aménagements y sont installés, afin, comme l’indique la municipalité, « de créer un espace convivial de rencontre et d’activités ». Ce coup-ci, ça n’est pas durant trois mois que l’avenue est fermée, mais de Juin à Novembre, soit 5 mois pleins sans voitures. Les propriétaires des nombreux cafés, comme le so chic « Café souvenirs » doivent être ravis : leur terrasse est plus spacieuse, mais aussi largement isolée du bruit environnant. 

Bernard, Mont-Royal… difficile de parcourir la ville pour découvrir toutes ces avenues largement pacifiées… Il y a en a tout de même dix cette année. Mais une chose est commune à toutes celles que nous avons eu l’occasion de parcourir : elles sont très fréquentées et l’ambiance qui y règne est vraiment “cool”… très montréalaise! La mairesse Valérie Plante a très bien compris cela. Elle estime également “qu’il s’agit maintenant d’une carte de visite pour les touristes qui déambuleront dans la métropole au cours de la prochaine saison estivale, et que ceux-ci seront davantage portés à sortir des secteurs habituels pour explorer la ville“. Une manière de rattraper le temps perdu… 

S’installer un moment, au soleil 

Mais il n’y a pas que les rues piétonnes dans la vie ! Certains aménagements, provisoires et/ou tactiques, ont été déployés ces dernières années, afin de profiter, les beaux jours venus, des coeurs de quartiers dans les arrondissements. Et à ce jeu, les Montréalais ont des idées particulièrement remarquables.

Dans le quartier VilleMarie, on peut croiser, au hasard d’une rue peu attrayante, l’espace Parthenais, que la municipalité appelle un « aménagement créatif temporaire ». On y retrouve effectivement quelques codes de l’urbanisme tactique/provisoire. Les techniciens de la municipalité auraient-ils été visité Barcelone récemment ?

Du coté d’Hochelaga, l’espace Martin Mederic est devenu un lieu ludique, pacifié, et particulièrement propice aux déambulations des enfants du quartier. La piste bidirectionnelle qui traverse l’espace change d’ambiance par rapport à la rue Hochelaga et le rude son des V8 américains.

Sur le Plateau, si l’on y prête attention, on est aussi épatés par l’ingéniosité mise dans la Place-des-fleurs-de-Macadam. Cette dernière est tout simplement inondable. Elle a donc été configurée non seulement pour accueillir des jets de bruine (un must have pour les enfants, les bordelais nous comprendront), mais aussi pour capter puis drainer les eaux de pluie. Un dispositif non seulement malin, mais aussi très bien expliqué pour les plus curieus.e.s. Et puis surtout, un symbole incroyable : auparavant, la place était une station service (merci pour l’information, Mathieu Séguin). Vous voulez voir la version en mode “pluie” ? Demandez à Jacques Nacouzi !

Enfin, pour celles et ceux qui ne sont pas là pour se tourner les pouces, il y a les îlots d’été ! Un réseau d’espaces de travail extérieurs, gratuits, proposés par « Aire commune » et positionnés stratégiquement sur le territoire montréalais. Et ça n’est pas parce qu’on est à l’extérieur, qu’on ne peut pas bénéficier de services : wifi et prises électriques font partie du package. Quand on vous dit que vous passerez votre été dehors ! 

Si ces projets vous intéressent, la municipalité propose un site par projet, ce qui est un incroyable outil pour suivre l’ensemble des dispositifs, leurs calendriers, marchés publics… Ca s’appelle “Réalisons MTL”.

Profiter des si typiques plex 

Passer du temps dehors, ça peut aussi se faire avec le confort de son « chez soi » ! Et les plex – on les croise particulièrement en sillonnant les rues du Plateau Mont-Royal – sont idéaux pour cela… Dotés de deux ou trois étages, ornées d’escaliers extérieurs en fer forgé de toutes les formes et de terrasses, ils sont parfait pour prendre une bière ou fumer des substances ici licites avec ses amis. Quant aux  rez-de-chaussée, aménagés en jardins, piscines et souvent dotés de barbecues, ils sont un espace intergénérationnel et social (historiquement, les prioritaires sont au RDC et les locataires aux étages). 

Les plex, de par leur configuration, se prêtent bien aux soirées d’été entre ami.e.s. Pourtant, ils n’ont à la base pas du tout été configurés dans cette optique… Dans la seconde moitié du XIX° siècle, la municipalité de Montréal obligeait les propriétaires à conserver un petit espace vert entre le trottoir et la façade de leur logement. Afin de ne pas perdre de surface habitable, les promoteurs ont eu l’idée de déplacer les escaliers donnant accès aux différents étages de l’intérieur vers l extérieur, ce qui permettait par la même occasion aux propriétaires de ne pas avoir besoin de chauffer des espaces communs intérieurs. Comme quoi, le bonheur de boire une bière assis sur sa terrasse ou son escalier est possible grâce aux promoteurs 😉

Au delà des plex en eux même, comme le disait Francisco Toro (dans un article publié en Avril 2022), “il y a le véritable joyau caché du modèle : la ruelle. C’est un petit pays des merveilles, à la fois public et privé, où les enfants peuvent jouer et explorer, où les chats peuvent se prélasser et où les voisins peuvent se rencontrer pour un 5 à 7”. Ainsi, si c’est pas sur sa terrasse, ou au rez-de-chaussée de son plex que l’on invitera les amis, ça sera vraisemblablement devant ce dernier !

L’hiver est rude à Montréal. Rude et long. On comprend d’autant plus pourquoi dès les beaux jours, les habitants ont une envie incroyable de redécouvrir leurs espaces extérieurs, de profiter du soleil et des terrasses. Les scènes culturelles et culinaires sont dynamiques, les micro brasseries sont légion… Il ne manquait plus qu’à expliquer poliment aux imposants V8 de passer leur chemin, afin d’apporter calme, sécurité et attractivité à de nombreuses rues et avenues. La municipalité actuelle l’a très bien compris. Les aménagements propices à la flânerie et à la détente se multiplient et la piétonisation se pérennise et se structure (son budget  est passé de 3,8 à 12 millions d’euros entre 2021 et 2022). Les commerçants sont satisfaits, les habitants ravis, les touristes ébahis ! La municipalité a fait de l’été un véritable festival ! 

 

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