Nous venons de passer l’été 2024 avec un sentiment mitigé. D’un côté une pause bien méritée pour certain.e.s, le chemin des vacances, et des millions de personnes se transformant d’un coup d’un seul en touristes. De l’autre, la folle impression que quelque chose ne va pas : alors que beaucoup montaient dans un avion ou une voiture pour prendre le large, la Californie brûlait comme jamais, Athènes suffoquait, on se brûlait les pieds sur les plages du sud de l’Espagne et au même moment, de nombreux indiens se noyaient, victimes d’une mousson beaucoup plus expressive qu’à son habitude. Cette période met beaucoup d’entre nous face à un dilemme : faut-il totalement abandonner nos envies d’ailleurs ? Que faut-il modifier pour profiter, se divertir, changer d’air tout en impactant le moins possible notre environnement ? A en lire l’étude publiée par l’ADEME en 2022, il semble que changer nos habitudes de déplacements serait une des actions les plus impactantes, ces dernières étant celles qui génèrent le plus d’émission de CO2 lors d’un séjour.
Au sein de mon cabinet, c’est une dynamique que je tente d’accompagner depuis plusieurs années, en conseillant au mieux des structures touristiques et des autorités de transports. Afin d’alimenter ma réflexion, j’ai décidé de consacrer mon exploration 2024 à la thématique de la mobilité et du tourisme. J’ai donc cherché à identifier le territoire le plus en pointe sur le sujet. Parmi plusieurs autres prétendants, la Suisse m’est apparue comme un pays très en avance sur ce fameux mariage entre mobilité et tourisme, voire peut-être le premier sur le podium à l’échelle du continent européen. Alors certes, c’est un petit pays, au PIB élevé. Un pays qui bénéficie d’un des réseaux de transport parmi les plus denses au monde. Un pays qui, de par ses paysages, attire déjà de très nombreux touristes. Mais c’est aussi et surtout un des pays qui a le plus capitalisé sur son offre de mobilité pour proposer des solutions alternatives à la voiture, jusqu’à en faire un argument marketing très puissant. J’ai évidemment souhaité vérifier cela sur le terrain. Je me suis donc rendu sur place, j’ai rencontré de très nombreu.ses expert.e.s, et j’ai surtout testé moi même de très nombreuses solutions et offres de mobilité, afin de comprendre quels étaient les ingrédients de la recette suisse. Voici mon récit.
[Cette publication marque le début d’un parcours de Masterclass, dont les détails sont expliqués ici].
Sommaire (un épisode chaque semaine)
Episode n°1 – 1 Un pays qui capitalise sur la densité de son offre
Commençons par le début : la Suisse possède un des réseaux de transports publics les plus denses au monde. Il est évident que c’est une base absolument essentielle pour promouvoir une mobilité décarbonée. Mais l’offre ne suffit pas à elle seule pour attirer les touristes, qui ne sont pas tous des spécialistes du ferroviaire Suisse, ou peut être pas au courant de ses qualités ! Ainsi, au-delà de la densité de l’offre, il y a quelques spécificités qui font de la Suisse un cas particulièrement intéressant pour les visiteurs qui souhaitent découvrir un pays sans jamais toucher à une voiture.
Le(s) train(s) comme colonne vertébrale
Ce qui saute aux yeux en arrivant en Suisse lorsque l’on se projette dans un voyage sans voiture c’est d’abord la densité du réseau ferroviaire. On ne va pas ici réinventer l’histoire du chemin de fer suisse, elle est passionnante mais déjà sur-renseignée en ligne. Gardons en tête quelques chiffres marquants. Le chemin de fer suisse c’est plus de 5100 km de lignes, dont plus de 90% électrifiées sur un territoire d’à peine 41 000 km2, soit un réseau 3 fois plus dense que le réseau français, et presque 2 fois plus que chez nos voisins néerlandais.
Il y a plus de 70 entreprises ferroviaires qui exploitent les différents réseaux ferroviaires suisses. Environ 75% du réseau ferroviaire suisse est à écartement standard, et est exploité par les SBB-CFF-FFS (chemins de fer fédéraux) pour environ 3200 km. On pourrait aussi parler de BLS, autour de Bern, sur 430 km environ. Puis d’autres entreprises se partagent le reste du réseau standard. L’autre partie du réseau est à voie étroite, et c’est RhB qui en exploite la majeure partie. Sur le terrain, c’est donc beaucoup de trains rouges et blancs sur les principales lignes , puis en local, un beau patchwork de couleurs et de matériels roulants !
SBB-CFF-FFS, c’est de loin l’entreprise ferroviaire la plus présente, la plus visible et sûrement la plus innovante du pays.
Revenons sur les SBB-CFF-FFS. Une très belle boîte (soyons précis, une société anonyme de droit public) dont le capital est détenu en totalité par l’Etat fédéral. Largement plébiscitée par les habitants, elle avance aussi ses pions du côté de la clientèle touristique.
Parce que depuis le Covid, les CFF constatent un déplacement de la demande vers le trafic de loisirs. Ils souhaitent mieux répondre à cette demande “ponctuelle”, notamment en gagnant en flexibilité dans les horaires. C’est d’ailleurs l’un des axes stratégiques des CFF. Mais c’est aussi et surtout un défi important. A court terme, cela signifie intégrer des relations supplémentaires aux horaires cadencés (j’en parle juste après), et en réalité, c’est un processus extrêmement complexe. Les CFF développent pour cela des logiciels très différents de ce qui se faisait auparavant permettant d’enrichir l’offre à certaines périodes pour lesquelles ils constatent une demande accrue, comme les week-ends, les jours de ponts ou lors de grands événements culturels ou sportifs. Ils souhaitent aussi mieux considérer la chaîne de transports dans son ensemble, en améliorant par exemple les liaisons plaine-montagne, en intermodalité avec des télécabines, à l’image de ce qui se fait en Valais.
Le cadencement généralisé et son impact sur les visiteurs
L’offre ferroviaire suisse est massive, parmi les plus denses du monde, et les opérateurs nombreux. Elle suit surtout plusieurs principes qui génèrent des effets très positifs pour les touristes. Le premier point notable pour un public de non initiés, c’est évidemment le cadencement généralisé. Il n’a pas été créé pour les touristes, loin de là, mais de par certains de ses objectifs initiaux, leur facilite grandement la tâche. En effet, ce dernier visait dès son origine à simplifier la production de l’horaire et améliorer la lisibilité du service pour les clients.
La devise du cadencement suisse c’est la vitesse utile, soit “aller aussi vite que nécessaire et non pas aussi vite que possible”.
Disons le plus simplement et plus concrètement : la Suisse, ce sont des temps de trajet en train entre “noeuds” (des gares bien costauds) en multiples de 30 minutes et des liaisons déjà projetées à 15 minutes de fréquence dans tout le pays pour 2050.
L’exercice de planification suisse a un second avantage pour celle ou celui qui ne connaît pas le réseau, et d’ailleurs pour tous les autres : il permet d’indiquer sur les affiches horaires en gare la voie affectée à chaque circulation, que l’on retrouve également sur le site Internet des opérateurs (tiens tiens, quelque chose aussi observé aux Pays-Bas).
Dernier point intéressant pour les touristes… la construction d’un horaire cadencé implique une conception de l’organisation des dessertes destinée à rendre les correspondances les plus faciles y compris avec les réseaux de bus et de cars. Et le sujet n’est pas nouveau, puisque les CFF (chemins de fer suisses) furent chargés de la coordination des offres de “train-autocars-bateaux” dès 1982 avec le premier horaire cadencé généralisé. Et effectivement, sur le terrain, même dans des coins très reculés, il m’est arrivé régulièrement de tomber sur un système d’autobus ou de TAD aligné sur les horaires d’arrivée des trains. Autre point notable concernant l’intermodalité, mais j’y reviendrai (dans l’épisode n°2), l’information voyageurs est précise, et joue ainsi un rôle fondamental.
[Et, dans le train, on fait quoi des enfants ?] C’est une problématique particulièrement stratégique pour les touristes se déplaçant en famille. Comment occuper un enfant en bas âge lors des trajets en train. Parce que le choix modal des parents est une chose, la capacité d’acceptation des enfants en est une autre. Là encore, le cas suisse est intéressant, car un certain nombre de rames ont été équipées pour les familles. D’un côté, des espaces familles ont été aménagés en 2e classe des trains InterCity à un étage. Les tables rabattables permettent aux poussettes d’être entreposées dans ces espaces. Par ailleurs, certaines tables sont recouvertes de jeux de société. Des pièces de monnaie peuvent faire office de pions et diverses applis pour smartphone permettent de lancer des dés virtuels. Les trains InterCity équipés d’espaces familles sont signalés par les lettres «FZ» dans l’horaire en ligne et l’application Mobile CFF. De l’autre, on retrouve carrément la voiture famille. Tous les trains duplex InterCity sur le trafic grandes lignes sont dotés d’une voiture famille. Les enfants peuvent se défouler dans une aire de jeux aux différents motifs située au centre de l’étage supérieur. Il est possible de réserver les places situées au sein de cette voiture. Cette voiture est reconnaissable de l’extérieur par ses motifs de dragons ou de d’animaux de la jungle. Les trains équipés sont signalés par les lettres «FA» dans l’horaire en ligne et l’appli Mobile CFF.
Car Postal, le complément routier essentiel et omniprésent
Si SBB-CFF est un acteur essentiel de la réussite du modèle de transport public suisse, il a son pendant côté route avec la très connue Car Postal. Reconnaissables de par leur couleur (jaune) et leur “cor à trois tons”, les 2317 autocars du groupe (dont 100% seront électriques d’ici 2040) assurent des services réguliers sur presque 1000 lignes, dans treize régions, et permettent à des millions de jeunes élèves de se rendre en cours chaque jour, tout comme à de très nombreux navetteurs de se rendre sur leur lieu de travail, souvent en intermodalité avec un réseau ferroviaire.
Mais Car Postal, c’est aussi une offre qui se prête bien aux publics de touristes, parce que l’entreprise a toujours été celle qui a permis l’accès aux stations et aux cols, lorsque le transport ferroviaire n’était pas disponible. L’ouverture de la première ligne CarPostal via un col alpin date en effet de 1919. Elle franchissait le Simplon. En 1921, les premiers cars postaux passaient le col de la Furka et le col du Grimsel. En 1922 le Gothard.
Les passages par les cols alpins ont marqué le début d’une ère nouvelle, parce que les trajets en Car Postal devenaient aussi un loisir.
Cette offre, l’opérateur a toujours continué à la développer en proposant des excursions, ou encore des fameuses “routes des cols”. Elle essaye également de faciliter la vie aux cyclistes et VTTistes. D’une part, via le dispositif “Resabike”, qui permet de réserver des emplacements dans les autocars dans certaines régions bien spécifiques. Mais aussi via l’intégration de tous les horaires et paramètres de réservation directement au sein de l’application CFF/SBB et la possibilité de réserver sa place vélo directement depuis cette dernière. [Vous vous en doutez, j’y reviens lors de la MasterClass].
Le “Swiss Travel System” : point d’orgue du dispositif
Des arguments, les Suisses en ont donc déjà beaucoup. Et ils s’en vantent : “nous proposons un réseau ferroviaire parfait, avec des courtes distances, des connexions directes aux aéroports, des horaires à intervalles réguliers, des trains Intercity toutes les 30 minutes”. Autre argument de taille pour le public de touristes : “aucun besoin de réserver”. Tout cela offre un terreau plus que fertile pour créer une dynamique de marketing et faire de l’offre de mobilité un argument d’attractivité. Et c’est exactement l’ambition du Swiss Travel System. Piloté par Swiss Travel System SA (STS SA), société de marketing basée à Zurich, son message est clair…
“Tous les hôtes étrangers voyagent en Suisse en train, en bus et en bateau”.
L’activité principale de STS SA consiste donc en des activités de marketing ciblées dans différents pays, en mettant en avant la qualité du réseau transports publics pour les attirer. Mais j’y reviendrai dans l’épisode n°5, car j’ai eu la chance d’interviewer le CEO de STS SA lors d’un tournage à Zurich.
Pour les touristes, la partie visible de l’iceberg STS-SA s’appelle Travel Switzerland. Cette marque commerciale a été très fraîchement remise au goût du jour. Sur le fond d’abord, le fait d’associer le mot voyage (travel) au train, aux bus et aux bateaux c’est un positionnement, l’expression du meilleur choix pour se déplacer à travers le pays. Sur la forme, c’est aussi un lien plus direct et plus lisible avec la marque (my)Switzerland. Coté message, on ne peut pas faire plus clair : “Que ce soit sur les rails ou sur les routes, sur l’eau ou en altitude, par les cols les plus élevés ou les tunnels les plus longs : grâce à notre infrastructure qui fonctionne comme une horloge, vous arrivez là où vous voulez en toute sécurité, sans effort et à l’heure. C’est pourquoi nos transports publics sont la manière la plus confortable, la plus étonnante, la plus délicieuse, la plus authentique, la plus durable et – surtout – la plus naturelle de voyager en Suisse.”
In fine, on le comprend bien, c’est une complémentarité entre l’ingénierie suisse (je pourrais presque dire l’horlogerie suisse), qui a permis le cadencement généralisé ; tout le travail sur l’intermodalité que cela a entraîné, avec un angle majeur concernant l’information voyageurs ; le tout associé à un marketing thématique autour de la mise en tourisme du transport, qui fait de la Suisse un modèle unique dans son genre. Ce modèle, associé à un grand nombre de dynamiques régionales et locales, rend le système d’autant plus efficace et attractif.
Episode n°2 – Une volonté de faciliter l’accès et promouvoir les offres
Posséder un réseau de transports dense est une chose, le connaître et y accéder en est une autre, surtout pour un public spécifique comme les touristes. C’est pour cette raison que les “facilitateurs de mobilité” jouent un rôle absolument primordial en Suisse. C’est le cas des outils d’information voyageurs, des grilles tarifaires et des supports qui leur sont liés. Et à ce jeu, les Suisses sont encore une fois parmi les plus avancés d’Europe. Parce qu’en back office, c’est un très grand nombre d’opérateurs et une myriade de communautés tarifaires qui permettent d’accéder à l’offre. Mais en façade, le tout paraît extrêmement simple et facile d’accès. Cela vaut évidemment pour les habitants mais aussi pour les touristes. Comme quoi, améliorer l’offre de mobilité a un impact universel.
Informer : avec une qualité exceptionnelle
Parmi les premiers facilitateurs de mobilité, il y a bien sûr l’information. Dans un pays ou plus de 250 entreprises de transport se partagent le marché, presque 500 si l’on ajoute les transports par câble, funiculaire etc… on pourrait s’imaginer un spaghetti innommable d’applications, d’informations dispersées sur des canaux en tous genres. Il n’en est rien.
Parce qu’une application, celle des chemins de fer fédéraux, regroupe tout ce dont un habitant, mais aussi un touriste a besoin.
L’application SBB-CFF a réussi là où beaucoup d’autres ont échoué. Non seulement elle regroupe l’ensemble de l’offre à disposition, aussi multimodale soit-elle, mais elle offre des fonctionnalités d’autant plus appréciables pour les touristes. Quelles sont celles qu’il faut retenir ? L’information sur les trajets, avec un niveau de détail très important sur la composition des véhicules, les taux d’occupation et les services associés à chaque mode de transport. Associons à cela une généralisation du temps réel, qui offre un confort plus qu’utile pour les visiteurs. Ce temps réel justement, il permet de suivre à la minute près le moindre retard ou encore un éventuel changement de quai. Chaque utilisateur est informé en temps et en heure afin de pouvoir trouver des alternatives et être rassuré.
Surtout, et nous y reviendrons, la particularité de l’application SBB-CFF, c’est que bien qu’elle soit produite et pilotée par le principal opérateur ferroviaire (fédéral), elle donne accès à une immense variété d’autres modes de déplacements allant du vélo en libre service au piéton, en passant par le transport cable, le métro ou encore les autocars de Car Postal. [Lors de la Masterclass, j’évoque notamment la prise en charge du vélo dans l’app]. L’application SBB-CFF facilite grandement cette dernière. L’intégration de l’offre multimodale est poussée à un niveau bluffant, si bien qu’un touriste ne se rend absolument pas compte qu’il va parfois devoir enchaîner trois ou quatre opérateurs de transport dans son trajet.
L’application fait donc très bien le job dans un monde virtuel. Mais qu’en est-il sur le terrain ? Dans les véhicules, que ce soit les trains, les autobus, les trams etc… l’information est très présente, en grande partie dynamique (temps réel), et bien souvent intermodale.
La standardisation, centralisation et coordination des données (nous reviendrons plus tard sur le rôle de Swiss Alliance) permettent d’accéder à une information précise sur l’ensemble de la chaîne de déplacement, avec un niveau de détail appréciable sur les quais de départ, les éventuels retards etc…
Pour des touristes qui devraient éventuellement subir des ruptures de charge, c’est un élément de rassurance absolument essentiel.
Enfin, l’information présente dans les véhicules est parfaitement relayée sur le terrain. La signalétique et le jalonnement sont particulièrement présents et respectent des standards qui assurent une homogénéité de l’information à l’échelle nationale. C’est particulièrement vrai pour les transports publics, mais aussi pour le vélo et la marche. Le travail réalisé par Suisse Mobile à ce sujet est particulièrement remarquable, j’y reviens dans l’épisode n°3.
Tarifer : du pass urbain au pass national…
En Suisse, il y a de très nombreuses communautés tarifaires à l’échelle nationale et régionale (plus de 20). Pas évident de s’y retrouver pour certains, et carrément une crainte de se “planter” pour d’autres.
Mais pas de panique, ici le “pass” est la star.
D’un côté, il y a le Swiss Travel Pass. Spécifiquement créé pour les touristes, ce produit permet de voyager sans limite en Suisse en train, bus, tram, métro ou bateau. Il est disponible pour 3, 4, 6, 8 ou 15 jours consécutifs. Avec le Swiss Travel Pass, on profite de transports publics inclus dans plus de 90 villes, on peut visiter 500 musées gratuitement et les billets pour les remontées mécaniques sont au moins 50% moins chers. Personnellement, j’avais fait le choix de la version Flex. En activant mon titre chaque jour manuellement, cela m’a permis de profiter du Pass pendant 15 jours non consécutifs. Une bonne option pour de longs séjours. L’achat du pass est très simple, depuis le site des CFF, de la plupart des tours opérateurs, ou directement depuis le site spécifique. Une fois le formulaire rempli, et l’achat réalisé, l’activation se fait par un simple mail, et le Pass est disponible depuis son wallet. C’est d’une grande simplicité.
De l’autre, il y a toutes les villes qui vous proposent un pass totalement gratuit, donnant accès à l’ensemble du réseau de transport public de leur zone :
- Le plus connu est le Geneva Pass. En séjournant dans un hébergement à Genève, on reçoit gratuitement la «Geneva Transport Card» en version digitale. Elle rend les transports publics genevois gratuits durant toute la durée du séjour. Elle permet d’utiliser sans limites le réseau genevois des transports publics (UNIRESO: bus (TPG), train (CFF) et bateau (Mouettes genevoises). Subtilité notable : on reçoit un lien par email trois jours avant son arrivée afin d’activer sa Geneva Transport Card sur son smartphone, et donc commencer à l’utiliser pour rejoindre son hébergement depuis l’aéroport ou la gare !
- Idem pour Lausanne, qui propose sa “Transport Card & More”. Cette carte personnelle est délivrée à chaque visiteur par l’établissement d’hébergement lors de son arrivée sur son lieu de séjour.
- D’autres villes pratiquent ce pass permettant de se déplacer gratuitement et de manière illimité sur le territoire, à l’image de Bern. A mon arrivée au camping, il m’a été précisé que je pouvais télécharger l’application Bern Welcome afin d’y entrer mon numéro de réservation, et d’activer mon “Bern Ticket”. En effet, dès la première nuit passée dans un établissement d’hébergement de la ville, on a accès à ce fameux Bern Ticket et donc à la libre circulation dans les zones 100/101 de la communauté tarifaire Libero. C’est donc un autre modus operandi (qui au passage fait la promotion de l’application de la ville) mais une même finalité : la possibilité de se passer totalement de sa voiture sur place. Le fait que les réseaux soient accessibles sans portiques et autres barrières colle parfaitement à la logique de pass, et facilite grandement la vie des touristes.
Je profite de ce sujet sur la tarification pour opérer une clarification essentielle. Prendre les transports publics en Suisse a un coût, plutôt élevé. Mais les Suisses bénéficient de tarifications très avantageuses dans leur quotidien. En effet, l’horaire cadencé a été accompagné d’une politique commerciale avec le lancement de l’abonnement à demi-tarif, ou encore de l’AG (abonnement général, aux alentours de 4.000€ par an, avec voyages illimités). Sans ces abonnements, peu de gens prendraient le train. C’est sur ce modèle qu’a été créé le Swiss Travel Pass, associé quant à lui au public étranger. Mais allons plus loin dans la réflexion… Sur le plan économique, le cadencement vise à industrialiser la production d’un système à coûts fixes élevés pour en optimiser le niveau. Dans ces conditions, l’utilité du train ne se mesure pas vraiment par le taux de remplissage, puisque supprimer un train peu fréquenté ne provoquerait que des économies marginales : il y a donc intérêt à attirer des voyageurs dans ces trains par une politique tarifaire incitative. Ainsi, les billets à tarifs réduits, notamment vendus sur Internet, contribuent à augmenter les recettes sur des dessertes qui sont finalement à coût de production marginal.
Faciliter : les algorithmes à la rescousse des touristes !
Les Pass sont d’une grande aide, mais ils ne peuvent pas tout, et ne sont pas disponibles dans toutes les villes… Quand au Swiss Travel Pass, il a un coût ! C’est pourquoi, d’autres solutions sur mesure sont aussi utilisables par les touristes.
D’un côté, les touristes, comme les habitants, peuvent bénéficier de la longue culture de la coordination et de l’intégration à la Suisse. En effet, même s’il existe plusieurs centaines d’opérateurs, et donc de nombreuses communautés tarifaires, pour celui ou celle qui visite le pays, pas de panique. En utilisant l’application des SBB-CFF, le choix du meilleur tarif se fera en faisant confiance aux algorithmes, beaucoup plus sympathiques que ceux de SNCF Connect. S’il faut enchaîner un train puis un bus et un télécabine, aucun souci, l’intégration se fera d’elle même, et le meilleur prix sera proposé.
De l’autre, afin d’aller plus loin que cette intégration, un autre produit, cette fois-ci pas spécifiquement créé pour les touristes, est particulièrement efficace pour ces derniers. C’est l’option proposée par FAIRTIQ. Cette entreprise Suisse, désormais connue hors de ses frontières, propose un système de paiement simple mais redoutable : par un simple geste du doigt (swipe), le voyageur déclare lorsque son trajet débute, puis lorsqu’il prend fin. L’algorithme Fairtiq, associé à une base de données consolidée à l’échelle nationale, permet de proposer le meilleur tarif, quand bien même le trajet est multimodal, et une facturation en post paiement des plus simple et efficace.
Le système est disponible au sein de l’application SBB-CFF sous le nom “EasyRide” et offre une alternative très impressionnante pour les touristes qui utiliseraient les réseaux de transports publics de manière ponctuelle et/ou non planifiée. Le dispositif est efficace, la tarification transparente, la facturation rapide. Résultat : au total, 80 000 voyageurs l’utilisent chaque jour pour acheter leur billet sur leur téléphone portable. C’est deux fois plus qu’il y a un an.
Et ça n’est pas tout. La fonction Easyride devrait évoluer prochainement.
D’une part, parce qu’elle est à la fois appréciée mais aussi détestée. Détestée, parce que les CFF ont un seuil de tolérance assez limité concernant les contrevenants… Celui ou celle qui achète son billet via l’app CFF une minute après le départ du train se voit infliger une amende ! De nouvelles solutions sont donc nécessaires… D’autre part, la collaboration avec le fournisseur Fairtiq, qui exploite l’application, arrive à échéance. Les CFF ont lancé un nouvel appel d’offres pour un contrat de plusieurs millions de francs suisses. A la lecture du cahier des charges, on peut entre apercevoir que la fonction la plus importante sera un système qui enregistre la présence des passagers dans le véhicule sans qu’ils aient à intervenir. Autrement dit, cela signifie que l’enregistrement fastidieux avant le début du trajet et le check-out à destination – qui est également souvent oublié – seront supprimés. Les clients monteront donc dans le train, le bus ou le car postal sans avoir à s’en occuper. Le système reconnaîtra automatiquement quand commence un trajet et quand il se termine. Le système pourrait en outre être utilisé pour informer directement et donc plus rapidement les voyageurs des perturbations et des retards. Cela permettra de les orienter vers des itinéraires alternatifs. Il devrait aussi être possible d’intégrer des offres pour effectuer les derniers kilomètres non desservis, avec, par exemple, des scooters électriques ou du covoiturage.
Packager : le cas du Grand Train Tour
Informer – tarifer – faciliter. Ce sont trois leviers parmi les plus efficaces pour promouvoir l’accès à une offre de transport, qui plus est lorsqu’elle ci est de qualité. Mais les Suisses vont au-delà. Afin justement de capitaliser sur cette offre, et d’en faire un produit attractif pour les touristes, ils produisent des packages spécifiques, dont le plus connu est vraisemblablement le Grand Train Tour.
Le Grand Train Tour, c’est 1280 km de voies ferrées, 8 tronçons, 11 grands lacs, 5 sites classés Unesco, le tout packagé au sein plusieurs solutions touristiques.
Explorer les tronçons un par un et faire son propre itinéraire. Opter pour des circuits pour lesquels les équipes de Swiss Travel System SA ont parfaitement et subtilement marketé des offres train/bateau/car/Hotel facilement réservables en ligne sur le site du tour operator STC. Là encore, ne regardez pas la somme demandée à la fin de la réservation, ce qui nous intéresse ici c’est bien le processus 😉
Évidemment, toute cette offre est disponible sur une application dédiée, qui est capable de vous localiser, vous proposer des tips en temps réel, et même vous avertir des hotspots à regarder par la fenêtre du train au bon moment !
Le Grand Train Tour est un des produits packagés et marketés par Swiss Travel System, sur sa plate forme commerciale https://www.travelswitzerland.com/en/ Il existe également toute une offre autour des trains panoramiques, des excursions en montagne etc. A ces offres sont associées des possibilités d’emport et de gestion spécifiques des bagages, des vélos, des poussettes. Des possibilités de tamponner ses différentes étapes font aussi partie du “trip” avec un livret disponible dans toutes les grandes gares, à moins d’utiliser le dispositif intégré dans l’application.