La remorque, meilleure amie du vélo ?

Petit à petit, le vélo semble grignoter des parts de marché et s’imposer comme un mode de déplacement du quotidien. Non pas que la guerre des parts modales soit gagnée face à la voiture, mais globalement, la dynamique est positive. Lorsque l’on décrypte celle-ci de plus près, il semble qu’une fois l’effet nouveauté passé, un bon nombre d’utilisateurs en veulent plus : plus d’aménagements, plus de stationnement, plus de services… et c’est finalement assez logique. Le vélo – en tant qu’objet – n’échappe pas à cette dynamique : il doit savoir remplir plus de rôles, offrir plus de fonctions, et surtout plus de capacité d’emport ! Pour le dire plus simplement, on cherche (bizarrement) à créer le Kangoo du vélo ! A ce jeu, il y a d’un côté l’engouement pour les cargo bikes et autres longtails dont les ventes s’envolent. De l’autre, un dynamisme assez extraordinaire du côté des… remorques. Oui, vous avez bien entendu, les remorques. Petites, grandes, assistées, partagées, éco-conçues… Les innovations dans le domaine sont stupéfiantes, avec toujours un seul objectif : augmenter les capacités de l’objet vélo. Prêts à vous faire tracter ?

Après Cargo+Longtail, viendront les remorques ? 

Une fois que les enfants sont calés à l’arrière du long tail, ou à l’avant d’un cargo, finalement il ne reste pas tant de place pour caler les sacs de courses, ou encore les planches que l’on a récupéré au drive et que l’on doit découper ce week-end pour refaire les plaintes de l’appart. Ce type de situation n’est pas une exception, et devient la règle pour un grand nombre d’utilisateurs, d’autant plus pour les familles ! 

De passage à Montréal il y a quelques mois, des experts me racontaient qu’une étude de Polytechnique montrait que 30% des personnes enquêtées à propos des freins à l’utilisation du vélo au quotidien évoquaient la faible capacité d’emport qu’ils associaient à cet objet. C’est majeur. 

Face à ce constat, le monde du vélo s’active. D’un côté, il y a ceux qui “pensent remorque” depuis déjà quelques temps ! Ceux là s’équipent et font confiance au matériel déjà disponible sur le marché. En suivant les échanges du journaliste Adrien Lelièvre sur Twitter, je faisais la connaissance de la chouette Burley Travoy : parfaite pour tracter 30 kg derrière un Brompton… lui même pouvant déjà embarquer des charges phénoménales. 

Dans le genre dépouillé mais efficace, il y a aussi de petites merveilles, comme celle soufflée par Alexandre Mussche (Vraiment-Vraiment). avec les belges de Rool !

Pour celles et ceux qui souhaitent aussi embarquer des enfants dans le plus grand confort, il y a aussi bien évidemment les très connues carrioles de la marque suédoise Thule. Au delà d’embarquer les bambins, elles font tout aussi bien le job pour ramener 20 kg de marchandises en provenance marché du dimanche matin. J’utilise la Lite 2 à titre personnel depuis de nombreuses années. J’allais oublier : rien ne vous empêche de coupler cargo et remorque ! Le potentiel est alors encore décuplé… le VW Touran n’a qu’a bien se tenir. 

“Tout cela est bien rigolo, mais quand je commande chez Ikea, je ne vois pas comment je vais ramener mes articles à la maison !” C’est souvent l’argument massue lorsque l’on propose le sujet dans un apéro entre potes… Dommage pour eux, car là encore, vous aurez une solution à proposer, parce même les acteurs économiques tentent de proposer des produits adaptés. En lisant l’ami belge Mathieu Nicaise sur Twitter, j’apprenais qu’à Hambourg, si vous vous rendez chez Ikea et que vous achetez une bibliothèque ou un tapis (vous voyez l’idée), le magasin vous prête une remorque électrique pour que vous puissiez facilement ramener votre achat chez vous sans utiliser de voiture (ce service, gratuit pendant trois heures, est également disponible dans les magasins Ikea de cinq autres villes allemandes). La remorque, conçue par une société appelée Nüwiel, se fixe à n’importe quel vélo et peut être guidée à la main, en supportant tout le poids par elle-même. Nous reparlerons plus tard de Nüwiel ! 

Et dans cette logique, il y a même des solutions qui font appel au bon sens et à la solidarité pour proposer un service de remorques partagées, accessibles via une simple interface web. Ça se passe à Montréal [nous en parlions sur ce site il y a quelques mois] et c’est mené par l’OBNL Solon, dans le cadre du projet Locomobile. Relire le papier ici. 

Bref, vous l’avez compris, soit vous achetez votre matériel, soit, progressivement, ce dernier vous sera proposé comme un service à part entière ! Et si vous êtes un pro de la cyclo logistique, il y a aussi des solutions pour vous ! 

La meilleure amie de la cyclo logistique 

Lorsque vous suivez les londoniens de Pedal Me (en cover de cet article), vous comprenez rapidement que la remorque est aussi un sujet majeur pour les cyclo logisticiens. Je me faisais la même réflexion il y a déjà quelques années en visitant le CityHub de la ville d’Oslo, en Norvège, en voyant passer les vélos couchés de DB Schenker ou de DHL.


Comme le dit mon ami Olivier Specht, coursier et fondateur de “La Course”, la remorque a de nombreux avantages : “une capacité d’emport décuplée (x3 environ), une grande versatilité, et la possibilité de s’adapter/stationner dans des lieux contraints”.

Et a regarder de plus près le marché, on comprend que cet objet n’est qu’à ses débuts en termes d’innovations. C’est sur ce créneau très porteur que s’est positionnée il y a déjà plusieurs années l’entreprise bretonne Fleximodal, créée en 2015 par Charles Levillain. Sa remorque BicyLift au système de levage assisté permet de charger 200 km de marchandise en toute tranquillité. Pour les pragmatiques, la Runner fera aussi le job… en attendant le Tricylift, vélo cargo utilitaire au système de levage breveté encore à l’état de prototype. Fleximodal se creuse aussi la tête pour fournir des modules spécifiques ou s’adapter aux standards existants. Parce que le marché est concurrentiel…

La Course, Bayonne - Source : La Course

Je pourrais aussi parler de K-Ryole, dont le fondateur, Nicolas Duvaut, a sûrement mis son expérience passée dans le monde de l’énergie au service de sa technologie “d’annulation du poids de l’effort”.  

Je pourrais enfin parler des remorques produites par les allemands de CarlaDes produits éprouvés, car pas si nouveaux ! La boîte est née au moment où le projet d’agriculture solidaire Gartencoop Freiburg avait besoin d’une remorque pour transporter ses légumes à vélo. Rapidement, a été identifié le besoin d’un concept de remorque intelligent avec lequel de grandes quantités de légumes peuvent être transportées de manière sûre et pratique à vélo. L’idée de développer une remorque de chargement avec assistance électrique et frein à inertie intégré est rapidement née. Grâce au crowdfunding, et après plus d’un an de bricolage et plusieurs pilotes, les premières Carla livraient régulièrement les légumes de la Gardencoop de Fribourg. C’était en 2014. Par la suite, la société Carla Cargo a été créée, afin d’accélérer la production en série et de répondre à la demande dans toute l’Europe. Depuis, la croissance est au rendez-vous et le CEO Markus Bergmann est aux anges.  

Toujours à Hambourg, il y a aussi la société Nüwiel. Natalia Tomiyama, cofondatrice, raconte que sa remorque est conçue pour être aussi simple que possible à utiliser, avec des capteurs qui adaptent automatiquement ses mouvements à la personne qui la précède, qu’elle soit à vélo ou à pied. La société a conçu une version dotée d’une grande boîte de chargement qui peut être utilisée par des entreprises comme UPS pour livrer des colis. Elle travaille aussi pour la Poste belge. Et Natalia de rappeler un élément fondamental : la remorque peut compléter la capacité de vélos électriques soit en ajoutant de l’espace de chargement, soit en offrant une option plus flexible, puisque la remorque peut être décrochée et promenée à pied.

J’allais oublier, si vous aimez la fibre de lin et les bretons (un lien ?) il vous faut aussi absolument regarder du côté de Maina, la remorque vélo pliable ! Pas sûr qu’elle soit utilisée par Pedal Me à Londres !!!

Prêts pour le Do It Yourself ?

La remorque est donc un objet polyvalent, complémentaire, qui peut être possédé ou partagé. C’est aussi et surtout un objet qui peut être très basique et donc facile à produire. Ainsi, ça n’est pas étonnant que de nombreux projets “DIY” voient le jour, dans de nombreux territoires. 

Accompagné par l’ADEME depuis 2020, il y a le projet historique Charrette. Charrette est une remorque à vélo à trois roues avec système de freinage inertiel et un système d’assistance électrique autonome ou pilotable manuellement. Les concepteurs de la remorque se sont inspirés du monde du logiciel libre, et par conséquent ont mis à disposition l’intégralité des plans de la charrette sous licence ouverte. 

Exemple de Charrette - Source https://framagit.org/Veloma/Charrette

Dans le 29 (encore des bretons), il y a aussi l’association Tape, dont la plateforme FlatShape.fr a été créée dans une volonté de mettre à disposition des ressources liées au design d’objets libres sous licences copyleft. C’est en suivant cette logique que les plans de la Tricyclette ont été mis en ligne. C’était en 2015 !!! 

La tricyclette - Source : Flashape.fr

Et puis, j’en ai déjà parlé plusieurs fois, il y a le projet Locomotion à Montréal. La bas, deux montréalais, bénévoles et habiles de leurs mains, ont réussi à concevoir puis construire entièrement une petite (mais très robuste) remorque. Ensuite, l’OBNL Solon a décidé d’accompagner, amplifier et augmenter le projet lancé par les deux bénévoles. En jouant le rôle de «gluant», comme ils aiment à le dire, ils ont permis de faire baisser le coût de production, d’intégrer plus de bénévoles dans la production, de prendre en charge la mise à disposition d’un FabLab pour lancer la production, et in fine, de participer à la mise à disposition de remorques pour les habitants de nombreux arrondissements. A terme, si cela fonctionne, l’idée de Locomobile est de passer de 10 à 50 puis à 100 remorques à partager dans la ville. Celui qui en parle le mieux, c’est le génial Bruno Armand…

Locomotion Montréal - Source : le Facilitateur de Mobilité

Loin d’être exhaustif, voire parfois orienté (cocorico), cet article a surtout vocation à montrer le dynamisme autour de celle que l’on appelle tout autant charrette, carriole, ou tout simplement remorque. Sa polyvalence et sa simplicité associées aux dernières innovations en date en font un objet au potentiel absolument majeur. Un objet qui va accompagner la montée en puissance des boîtes de cyclo logistique, mais pas que. Il est fort possible que de nombreuses familles s’y mettent aussi, afin de remplacer le bon vieux Kangoo, qui on va se le dire, a largement fait son temps ! Avec un peu de recul, la remorque est aussi une belle manière d’offrir une solution à la problématique du “véhicule intermédiaire” mise en avant par l’ADEME, dans le cadre de son Extreme Défi !  Alors bien sûr, il s’agira aussi aux infrastructures de s’adapter, afin d’offrir de la place à ces nouvelles venues, que ce soit en terme de stationnement, d’accès aux “trottoirs” ou de giration sur les aménagements cyclables. Mais ceci est une autre histoire. 

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