Trois ans déjà ! le PAN (point d’accès national) français vient de souffler ses 3 ans. Il est loin le temps ou je discutais avec Ishan Bhojwani du pourquoi et comment accompagner les territoires au plus près pour porter les sujets de data. Depuis, le chemin parcouru est immense, et la conclusion est simple : la question de la donnée transport a été largement démocratisée dans l’hexagone. Ces trois années ont permis au projet de mûrir et ainsi de quitter le programme d’incubation pour rejoindre la Fabrique Numérique du Ministère de la Transition Écologique. Voila pourquoi j’ai souhaité revenir avec les équipes sur la genèse du projet, ses défis mais aussi sa roadmap pour les prochaines années.
Transport.data.gouv… qu’est ce que c’est ?
En France, transport.data.gouv.fr est le PAN (point d’accès national) qui aide les acteurs de la mobilité à publier leurs données et les rend accessibles sur une plateforme unique. L’idée est de faciliter leur réutilisation par les services d’information sur les déplacements. Si vous souhaitez en savoir plus, on a pensé à vous.
Pour les non connaisseurs, pouvez- vous décrypter la gouvernance de ce PAN ?
En 2017, la Direction générale des infrastructures des transports et de la mer (DGITM) a souhaité faire confiance au programme beta.gouv.fr de la Direction interministérielle du numérique (DINUM) pour développer la plateforme de données de mobilités pour la France : transport.data.gouv.fr. L’idée de beta.gouv.fr est simple : dès lors que les services numériques démontrent un impact avéré, s’ensuit une phase de transfert ou de consolidation destinée à mettre en œuvre les conditions de réussite de la passation du service au sein de l’administration porteuse. Voilà pourquoi trois ans après, la passation conduit à ce que les équipes de beta.gouv se retirent petit à petit afin de laisser la DGITM en autonomie dans la gestion du service.
Cette dernière (après avis de la DINUM) a acté la nécessité, pour la réussite du service, de reconduire le mode de fonctionnement propre à transport.data.gouv.fr dans son intégration au sein de l’administration. A noter, le Ministère de la transition écologique, ministère de tutelle de la DGITM, intègre un “incubateur” de services numériques, la Fabrique Numérique donc, qui est une structure partenaire du programme beta.gouv. Aussi, le choix de la structure support pour transport.data.gouv.fr s’est naturellement dirigé vers la Fabrique Numérique.
Est-ce un processus classique ?
Oui totalement, la phase de transfert, ou autrement appelée phase de consolidation, correspond à la dernière étape du programme beta.gouv. Après les phases dites d’investigation, de construction et d’accélération, la phase de consolidation vise à aider l’administration porteuse, en l’occurrence dans notre cas la DGITM, à pérenniser le service numérique dans une structure propice à poursuivre le développement et le déploiement du produit selon les principes de beta.gouv.
Concrètement, qu’est ce que cela va changer ?
Fondamentalement, il n’y a pas de bouleversement, tant aux yeux des acteurs avec qui nous interagissons, qu’au sein même de l’organisation du projet. Une des raisons principales à cela est que la Fabrique Numérique partage les mêmes valeurs que le manifeste de beta.gouv. Par ailleurs, les équipes demeurent. Les légers changements à noter son :
- le rôle d’intrapreneur du projet, qui se voit confier à un agent public de la DGITM, formé et intégré à l’occasion durant une période de 6 mois par les équipes de beta.gouv.
- les fonctions supports assurées par les équipes du programme beta.gouv, telles que le coaching, qui se verront ainsi progressivement transférées d’ici la fin de l’année à la Fabrique Numérique.
Cela signifie que désormais ce service est ancré dans la durée. C’est plutôt positif !
Effectivement. La capacité de transport.data.gouv.fr à atteindre cette dernière phase du programme beta.gouv démontre avant tout une certaine maturité du projet, qui est le fruit de trois ans de réussite dans sa construction. La dynamique enclenchée au fil de ces années par les équipes a conduit à une réelle avancée en matière d’ouverture de jeux de données de mobilité.
Bien que le service ait vocation effectivement à être pérennisé, ce n’est pas en soi ce qu’il faut retenir en premier lieu dans ce transfert. Pour mémoire, rappelons que la création d’un point d’accès national aux données de mobilité est une obligation européenne qui s’impose à chaque Etat membre. Le point essentiel dans ce transfert est plutôt celui de la pérennisation des méthodes et des équipes de transport.data.gouv.fr, qui compte tenu du succès de ces trois premières années, a permis de démontrer les capacités du modèle de startup d’État à avoir de l’impact et ainsi convaincre la DGITM de poursuivre dans cette voie.
En termes de moyens (humains et financiers), quelles conséquences ? Les équipes restent ?
Sur le plan des ressources humaines, l’équipe de transport.data.gouv.fr reste organisée autour de deux développeurs, deux chargé.es de déploiement, et un intrapreneur. Hormis le rôle d’intrapreneur qui se voit dorénavant directement assuré par la DGITM, les développeurs et chargé.es de déploiement actuellement en place se voient intégralement inchangés.
Pour ce qui est des moyens financiers alloués par la DGITM, financeur du projet, ils sont en progression de 12% pour 2021, et ont vocation à être pérennisés dans un même ordre de grandeur. L’année 2021 se verra toutefois particulièrement marqué sur ce plan financier puisque le projet transport.data.gouv.fr a remporté l’appel à projets “développer la collaboration avec vos écosystèmes” du plan de relance – Innovation et Transformation Numérique de l’Etat, permettant ainsi de doubler au total sur l’année nos moyens financiers.
Quel avenir pour le PAN ?
Grande question ! C’est en réalité au fil du temps qu’il se construit, et avant tout avec les besoins de l’écosystème qu’il se concrétise.
Néanmoins, si transport.data.gouv.fr s’est positionné jusqu’à présent comme une bibliothèque de données, avec une équipe au service des producteurs et des réutilisateurs de données, nous souhaitons dorénavant, sans mettre de côté notre activité sur l’ouverture des données, davantage nous positionner comme une boîte à outils, en cherchant à proposer de nouvelles fonctionnalités de visualisation, d’édition et de validation de jeux de données.
Par ailleurs, en lien notamment avec l’obtention de fonds du plan de relance, l’année 2021 devrait se caractériser pour transport.data.gouv.fr par l’exploration d’un nouvel axe de développement du service, avec l’expérimentation d’une idée en tant que réutilisateur… On vous dit tout le 5 mars !
Quels sont les chantiers les plus importants ?
En dehors du développement du produit, notre activité en matière de déploiement s’attache aujourd’hui à accélérer l’ouverture des données horaires en temps réel des services réguliers de transport. Nous poursuivons par ailleurs l’élaboration de bases nationales de données, notamment sur le champ du vélo (aménagement et stationnement), de l’autopartage et des zones à faibles émissions (ZFE).
Nous envisageons par ailleurs en 2021 d’expérimenter l’ouverture de données relevant de “la demande”, à distinguer des données “d’offres” sur lesquelles nous nous sommes jusqu’alors exclusivement concentrées. Il s’agira notamment d’investiguer l’ouverture des données de comptage vélo et/ou de la fréquentation des transports en commun urbains.
Votre ressenti concernant ces trois premières années… des anecdotes ?
Il est clair qu’une partie du succès du projet (et du plaisir pour nous) est liée à un bel enthousiasme des acteurs du secteur du transport public et maintenant du vélo pour l’ouverture des données et la valorisation de leur service. Le travail de sensibilisation à l’open data s’est appuyé sur des pionniers du secteur qui étaient déjà convaincus de l’intérêt du projet. On le voit aujourd’hui sur le chantier de normalisation des données cyclables, tout le monde est à fond et souhaite produire de belles données faciles à utiliser pour s’assurer que les cyclistes pourront trouver leur chemin sur toutes les pistes qui existent en France !
En revanche, là où on s’est cassé, et on se casse toujours les dents, c’est dans des secteurs où la donnée est un sujet très ancien, comme par exemple le secteur routier. Un écosystème mature de la donnée aussi bien sur la production que sur sa commercialisation s’est installé à une époque où l’open data n’était pas considérée comme une stratégie pertinente. Les acteurs que nous rencontrons ont basé une grande partie de leur valeur (et parfois de leurs revenus) sur la production de données et il est très compliqué pour eux de considérer l’open data comme une opportunité.
C’est très difficile de piocher un exemple parmi toutes les belles histoires. Ce qui nous marque sans doute particulièrement, c’est l’investissement et l’engagement de certaines organisations et simplement certaines personnes dans les chantiers que l’on mène avec eux. C’est la très très belle histoire qu’on vit avec Vélo & Territoires dans la standardisation des données vélo : Thomas Montagne et Fabien Commeaux ont plus qu’été au rendez-vous et sans eux nous n’aurions pas pu avancer aussi loin. C’est Nicolas Frasie de l’Association des Acteurs de l’Autopartage qui a pris du temps pour sensibiliser les membres de son associations, échanger avec les Allemands et les Belges pour comprendre comment ils modélisent l’autopartage, animer des ateliers avec nous et tout simplement pour comprendre de lui même le format GBFS. C’est Zenbus et RATPDev qui entretiennent un tableau à jour de tous les réseaux où ils ouvrent les données…
On a beaucoup pensé transport.data.gouv.fr comme un écosystème de producteurs de données et de réutilisateurs ; la réalité c’est qu’entre les deux il n’y a pas que transport.data.gouv.fr, il y a une galaxie d’organisations, d’associations de personnes qui veulent voir émerger ce commun numérique des données transport et qui travaillent tous les jours avec nous !