Espagne : Barcelone, les effets du Covid sur les mobilités

En ce qui concerne le développement des mobilités douces sur nos territoires, le Covid a été un accélérateur ou un révélateur. Accélérateur là ou les politiques publiques étaient déjà dans une dynamique plutôt favorable aux démarches pro piétons et vélos. Révélateur là ou au contraire, les élus n’ont pas encore pris conscience de cette urgence environnementale. Et à ce jeu, Barcelone fait indiscutablement partie du premier camp. Ceux qui suivent ce blog savent mon attachement et mon admiration à propos de la capitale catalane… d’ou les papiers que j’avais publié sur l’urbanisme de cette ville ou encore le développement du vélo. Alors quoi de plus naturel que d’aller observer l’impact de la crise sanitaire sur cette si bouillonnante métropole. 

Pour ce faire, j’ai souhaité de nouveau m’entretenir avec Silvia Casorran. Parce qu’elle est responsable des politiques vélo à l’AMB (Area Metropolitana de Barcelona), coordinatrice de « Red de Ciudades por la Bicicleta » mais aussi et surtout parce qu’elle est une citoyenne engagée, conseillère « Barcelona en Comu » de quartier de SanMarti.

Un plan d’actions global, qui privilégie le piéton

Parce qu’un plan parle souvent beaucoup plus que de grands discours… celui publié par la Mairie de Barcelone est très clair : le premier mode de déplacement sur lequel la municipalité souhaite insister est bien la marche (à lire : « Barcelona quita espacio al coche para crear más carriles bus y bici »). Au travers de plusieurs démarches : pacification de certains tracés, artères latérales fermées au trafic et élargissement des trottoirs. En parallèle, les propositions concernent également les bus, mais cela n’est pas notre sujet du jour… (lisez Barcelone et sa géniale « géométrie du bus » si le thème vous intéresse).

La municipalité utilise plusieurs leviers, allant de la simple barrière pour fermer un accès aux voitures ou à l’urbanisme tactique, déjà bien connu ici.

Parfois, il s’agit de fermer certaines grandes artères, le temps d’un week-end, afin de « laisser respirer » les habitants… La question qui reste évidemment dans toutes les bouches est celle de la pérennité de ces dispositifs. L’occasion de revenir observer les évolutions, très bientôt !

Une accélération certaine des politiques vélo

Il y a évidemment un autre mode qui est mis en avant par la Municipalité mais aussi par la Métropole (AMB) : le vélo. La encore, une dynamique était déjà bien présente (à lire : Le vélo à la rescousse de la capitale catalane). La crise sanitaire a permis d’une part d’accélérer certains projets, mais aussi et surtout, selon Silvia, de prioriser plusieurs secteurs. L’occasion pour les habitants de re-découvrir leur propre territoire, notamment lors de la seconde vague, ou il est possible de se déplacer à l’échelle municipale.

La crise a aussi permis de faire sortir de terre de nouveaux projets, la rue d’Aragon étant un bien bel exemple. Si vous parlez espagnol ou catalan, je vous conseille la lecture d’un article complet sur le sujet particulier de cette artère structurante.

Des dynamiques existantes renforcées

La crise, vous l’aurez compris, est un véritable accélérateur à Barcelone, parce qu’il existait déjà une dynamique forte. Et au delà des aménagements crées, améliorés, déployés spécifiquement suite à cette dernière, la ville continue à mener une réflexion intense pour pacifier son territoire.

Il y a bien sur la continuité du projet de Superillas (à lire : A la découverte des “supermanzanas” de Barcelone!)… ces espaces urbains, autrefois dévolus majoritairement à l’automobile, mais totalement réinventés par la municipalité et ses habitants pour en faire des lieux pacifiés, propices aux mobilités douces. Le développement de ces espaces continue, et va continuer, mais très probablement avec une philosophie un peu différente. Comme je vous l’indiquais dans un précédent papier (Urbanisme tactique, pas facile, l’exemple de Barcelone) le déploiement des Superillas n’a pas toujours été aisé. Entre certaines critiques de la population et la gêne d’une frange conservatrice des architectes ❤️   , il y a encore fort à faire. La municipalité a donc annoncé le déploiement d’une vingtaine de Superillas sur les 10 prochaines années, mais d’une part dans une disposition par axes, et d’autre part, en faisant beaucoup plus appel à des aménagements structurants et beaucoup moins tactiques. 

Il y a aussi un autre sujet bien spécifique, à savoir la pacification des espaces autour des écoles. Un vaste plan baptisé « protégeons les écoles » a été lancé, afin d’une part de réduire la pollution autour de ces espaces, mais aussi d’améliorer la sécurité, en diminuant le trafic. Ce sont 200 écoles qui sont concernées, c’est dire l’importance du sujet. Beaucoup d’urbanistes vous le diront, la prise en compte des enfants dans la politique d’urbanisme d’une ville est un curseur essentiel pour savoir si cell-ci « avance ».

Est ce que toutes ces dynamiques seront pérennisées ? Pas grand monde ne le sait. Est-ce que la crise est une nouvelle opportunité pour montrer l’intérêt auprès des habitants d’une mobilité plus douce, moins polluante, moins bruyante (rappelons que Barcelone est sur le podium du nombre de véhicules motorisés par habitant en Europe, notamment 2RM) ? Oui et c’est essentiel de capitaliser sur ce mouvement. Au final, ce qui est surtout intéressant c’est d’observer l’évolution de cette ville, de pouvoir s’en inspirer.  D’ailleurs, je vous parlerai très bientôt d’autres dynamiques en cours chez mes cousins catalans. 

PS : l’ensemble des visuels m’ont été mis à disposition par Silvia Casorran. Elle en possède les droits. 

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